SOCIETE

Le Lotto est un bien un jeux d’argent, même s’il soutient « aussi » des associations


Publicité, concurrence biaisée, protection des joueurs, rôle du régulateur, ces questions reviennent régulièrement sur la table et font de nouveaux remous, sur fond d’ambiguïtés, ces dernières semaines. Et pour cause. La Loterie Nationale n’est pas soumise à la loi de 1999 sur les jeux de hasard qui règlemente le secteur. Elle n’est donc pas considérée comme un jeu d’argent. Le motif ? : ce que propose la Loterie Nationale est une forme de « parrainage » très « différente » de ce que font les opérateurs privés de jeux et paris. Ce ne serait pas une société lucrative en tant que telle, mais un soutien public à la société civile sous forme de subsides ou de sponsoring. Et pourtant, avec la Loterie Nationale, le gouvernement est bien le plus grand fournisseur de jeux de hasard du pays. Démonstration.

Pas un jeu de hasard ?

Ces cinq dernières années, la Loterie Nationale affiche une croissance moyenne de 4,5%. En 2021, elle a réalisé une chiffre d’affaires de 1,530 milliards d’euros pour 299 millions de jeux vendus à un prix moyens de 1,5 euros. En plus d’une augmentation significatives de ses ventes via les canaux digitaux, sa stratégie est basée sur de petits montants misés dans les presque 7800 points de vente du pays. 50% du chiffre réalisé provient toujours des ventes en librairie où les Belges misent de petites sommes.

« Mais, on est vite mis dans le même panier que les jeux de hasard alors que le fait que ce soit de petits montants, le jeu est responsable par nature », a déclaré Jannie Haek, l’administrateur délégué de la Loterie Nationale, lors d’une conférence de presse présentant les résultats de 2021 en janvier dernier.

Paris sportifs, casino, courses hippiques, poker, Blackjack, pour qu’un jeu soit classifié « jeu de hasard et d’argent », quatre critères cumulés sont requis : le joueur mise de l’argent, la mise est irréversible, le joueur peut soit gagner soit perdre et l’issue du jeu repose sur le hasard.

En effet, certains jeux de hasard et d’argent ne reposent pas à 100 % sur le hasard. Il est possible qu’un joueur de poker, par exemple, acquière de l’expérience au fil de sa pratique et ait un « certain » contrôle sur l’issue du jeu. Mais, même si l’habileté peut jouer un rôle appréciable en ce cas, les résultats n’en sont pas moins, en partie ou entièrement, tributaires du hasard. Le Lotto est donc bien un jeu de hasard au sens de cette définition. En 2021, près de 104 millions de gagnants belges se sont partagés 896 millions d’euros de gains.

 Et d’un point de vue fiscal ?

En ce qui concerne le cadre fiscal des jeux de hasard, il est privilégié puisque les gains ne sont pas considérés comme des revenus et sont donc exonérés d’impôts. Seule une activité de jeu exercée à titre principal, à l’instar des joueurs de poker ou de bridge professionnels, est taxée. Dans ce cas et pour leur nature régulière et établie, l’administration fiscale est fondée à considérer ses rentrées comme des revenus. Les gains remportés dans le cadre d’un jeu proposé par la Loterie Nationale sont exonérés d’impôts. Il s’agit donc bien de jeux de hasard en terme de régime fiscal.

La Loterie le précise d’ailleurs sur son site internet : « Vous avez remporté une coquette somme à l’un de nos jeux de tirage ou de grattage ? Devez-vous conserver une partie de vos gains pour les impôts ? Eh bien non ! Les gains de nos jeux sont tous exonérés d’impôts. Quel que soit le jeu auquel vous avez participé, vous ne serez pas taxé sur la somme remportée. Il s’agit donc de montants nets que vous ne devez pas mentionner sur votre fiche d’impôts. »

Du sponsoring, mais encore …

En 2021, la Loterie Nationale a réinvesti 335 millions d’euros dans la société belge à titre d’assises d’abord, mais aussi à travers 200 millions de subsides reversés à 336 projets culturels, scientifiques ou sportifs. Lors de la confection de son budget 2022, le gouvernement fédéral a décidé d’augmenter la rente de monopole que lui verse chaque année la Loterie Nationale, évoquant un effort supplémentaire de 10 millions d’euros.
De 135 millions d’euros, la rente de monopole que verse chaque année la Loterie Nationale passe donc à 145 millions pour cette année. Le montant des subsides qu’elle distribue annuellement aux bonnes causes est également accru : de 185 millions d’euros, cette enveloppe-là passe à 200 millions. Au total, le retour financier global de la Loterie à la société s’élève désormais à 345 millions d’euros (200 + 145) contre 320 millions auparavant.

C’est moins visible pour la société, mais les opérateurs privés de jeux et paris soutiennent aussi de bonnes causes. Ainsi, la Ladbrokes Foundation, en association avec des ambassadeurs sportifs qui ont été sélectionnés pour leurs talents sportifs et pour les valeurs humaines et citoyennes qu’ils véhiculent, s’investit dans des projets divers et variés tels que Viva for Life, le sexisme dans le sport ou encore l’aide aux plus démunis.

A l’inverse de la Loterie Nationale pourtant, ces opérateurs n’affirment pas « attendre du gouvernement une réaction qui permette de générer ces millions supplémentaires […] en garantissant le monopole concerné face aux jeux de hasard ». Deux poids, deux mesures ? Il y a matière, à tout le moins, à s’interroger.