Société

Canada : le retrait du préservatif sans consentement devient un crime sexuel


En Californie, cette pratique est cadrée dans une loi depuis fin 2021. Au Canada, une décision vient d’être rendue dans le même sens par la Cour suprême, une première dans le pays en termes de jurisprudence pénale. Le stealthing, soit le fait de retirer un préservatif pendant un rapport sexuel, sans obtenir une autorisation explicite de son partenaire, est une agression sexuelle. Vicier le consentement, appelé aussi furtivage dans ce contexte précis, serait de plus en plus courant, mais rarement puni par la loi à travers le monde. Aux États-Unis, selon une étude publiée en 2019, dans le journal Womens Health Issues, 12% de femmes âgées entre 21 à 30 ans racontent avoir vécu cette agression sexuelle au moins une fois dans leur vie.

Un canadien, accusé de ne pas avoir mis de préservatif lors d’un rapport sexuel avec une femme, brisant ainsi son consentement et acquitté en première instance, a finalement été condamné en degré d’appel, le 29 juillet dernier, par la Cour suprême du Canada. La haute juridiction estime que la pratique doit désormais être considérée comme une agression sexuelle.
En matière de violences sexuelles, elle apporte ainsi une clarification de ce qu’est le consentement  dans l’intime : le non-port ou le retrait d’un préservatif lors d’un rapport sexuel entre deux personnes, alors que son utilisation était convenue comme condition indispensable au rapport, constitue un crime.

Un procès pour agression sexuelle

Les faits, détaillés dans la décision publiée (Link vers : https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2022/2022csc33/2022csc33.html), remontent à mars 2017 en Colombie-Britannique. La plaignante rencontre sur Internet un homme, Ross McKenzie Kirkpatrick, et convient d’une rencontre. Selon le témoignage de cette dernière, elle insiste pour que son partenaire porte un préservatif et l’homme est d’accord. Mais, les choses prennent une autre tournure. Le partenaire l’enlève. Ce n’est qu’au moment de son éjaculation que la jeune femme découvre « sous le choc et paniquée » qu’en réalité il n’en avait pas mis.
Le lendemain, lors d’échanges par SMS, l’accusé justifie avoir été « trop excité » pour mettre un préservatif et trouve « très drôle » le fait que la jeune femme puisse considérer ce qui s’était passé  comme étant une agression sexuelle. La victime devra quant à elle suivre un traitement préventif contre le VIH, ce qui la décidera à porter plainte.

En Belgique, la dissimulation intentionnelle de la prise d’un préservatif  (…) peut être reconnue comme une forme de violence sexuelle

Un consentement vicié

Y avait-il absence de consentement sans préservatif ? La décision rendue fin juillet fait date au Canada. Elle est considérée comme une jurisprudence majeure par les associations de défense des femmes car elle offre enfin une protection contre la pratique, de plus en plus répandue chez certains hommes, du retrait surprise du préservatif sans l’accord de leur partenaire.
La juge Sheilah L. Martin a estimé que « le refus ou le retrait non consensuel du condom est une forme de violence » et qu’ « exclure l’usage du préservatif de la définition d’un acte sexuel consenti laisserait une lacune évitable et indésirable dans le droit en matière d’agression sexuelle ». En clair : Si le partenaire de la personne plaignante fait fi de sa condition, le rapport sexuel est non consensuel et l’autonomie sexuelle de la personne plaignante ainsi que sa capacité d’agir en toute égalité sur le plan sexuel ont été violées.

Dans cette même logique, des tribunaux britanniques et suisses ont aussi récemment condamné plusieurs hommes pour avoir retiré des préservatifs pendant des rapports sexuels sans le consentement de leur  partenaire.

En Belgique, le phénomène a débarqué en 2017. selon notre Code pénal, le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas » (article 375 du Code pénal). Même s’il n’existe pas actuellement de décisions rendues par nos cours et tribunaux en matière de stealthing, on peut donc dire que la dissimulation intentionnelle de la prise d’un préservatif vicie le consentement et peut être reconnue comme une forme de violence sexuelle.

Il est également intéressant de relever que l’agression peut être masculine ou féminine, même si les statistiques présentent plus de femme victimes. Ainsi, en mai dernier , une allemande, qui souhaitait tomber enceinte, a été reconnue coupable d’agression sexuelle pour avoir percé des trous dans les préservatifs de son partenaire sans son consentement. Le tribunal a assimilé ses actions à du  stealthing.


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