« La plus grande manifestation de Varsovie » : l’opposition polonaise descend dans les rues juste avant les élections
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Alors que le 15 octobre prochain, le peuple polonais est appelé aux urnes pour les élections des parlementaires et des sénateurs, l’opposition du pays, face au parti Droit et Justice (PiS), fait un coup de force avec une marche à travers la capitale Varsovie pour demander le départ du gouvernement ultraconservateur actuel, au pouvoir depuis huit ans. Tandis que l’agence de presse PAP annonce 100.000 participants, le porte-parole de la ville a confirmé le chiffre d’un million de participants. Si le parti actuel reste au pouvoir, la situation dans le pays pourrait s’empirer, notamment pour la presse et sur un potentiel départ de l’Union européenne.
« Il s’agit de la plus grande manifestation politique de l’histoire de la Pologne », commente Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et président de la Plateforme civique (PO), parti centriste, pro-européen. Il est le premier opposant politique au gouvernement ultraconservateur, nationaliste et eurosceptique du parti PiS (Droit et Justice), dirigé par Jaroslaw Kaczynski depuis ces débuts et est le frère de Lech Kaczynski, ancien président polonais mort dans un crash aérien en Russie en 2010.
Ce samedi 1er octobre, 1 million de personnes, selon les autorités de la ville et 100 000 selon la police et l’agence de presse PAP, ont défilé dans les rues de la capitale polonaise, Varsovie, pour montrer leur mécontentement face à la présence du parti PiS au pouvoir depuis huit ans, à ses réformes de la justice (avec l’absence lente de l’État de droit) et à ses décisions controversées qui ont été prises.
Lourd passé de manifestations d’envergure
Il s’agit de la plus grande manifestation en Pologne depuis la chute du régime communiste de 1989 mais elle n’est pas la première d’envergure que connaît le pays depuis que le PiS est au pouvoir : déjà en 2020, le mouvement « Strajk Kobiet » a fait descendre une partie de la population dans les rues des grandes villes suite à la décision du Tribunal constitutionnel de rendre illégal la très grande majorité des avortements, même quand le futur bébé a une malformation ou une maladie incurable.
Nous marchons aujourd’hui pour gagner les élections dans deux semaines, mais en réalité ce n’est que le début. Nous marchons vers une toute nouvelle Pologne.
De plus, en août 2021, il y a eu une autre démonstration de masse quand le parti a essayé, via son Conseil National de Radiodiffusion (KRRiT) de ne pas renouveler la licence du groupe TVN, les principales chaînes de télévision d’opposition, sous motif que le groupe américain Discovery avait une part dans le groupe médiatique polonais. Déjà en février de la même année, les chaînes radio, de télévision et des journaux privés ont créé un black-out médiatique, à cause d’une nouvelle taxe sur les revenus publicitaires des médias privés, qui pourraient encore plus affaiblir leur indépendance.
Des élections qui peuvent faire changer le jeu
La date de cette manifestation, nommée « La marche des millions de cœur », n’est pas un hasard. En effet, dans 14 jours, le dimanche 15 octobre prochain, la population polonaise est appelée aux urnes pour élire les parlementaires et les sénateurs.
« Nous marchons aujourd’hui pour gagner les élections dans deux semaines, mais en réalité ce n’est que le début. Nous marchons vers une toute nouvelle Pologne », enchérit Rafal Trzaskowski, vice-président du PO et maire de Varsovie.
Dans les derniers sondages, le parti centriste se trouve à 29% tandis que le parti d’extrême-droite se place en tête à 36%. Cet écart se creuse encore plus avec les médias publics, que certains considèrent comme « d’État » (en comparaison avec les dictatures) qui idéalisent le parti au pouvoir pour discréditer les opposants. Cependant, des sondages commandés par la Plateforme Civique montrent que les résultats seront potentiellement serrés.
Si le parti de Tusk et de manière générale les mouvements politiques anti-PiS (dont certains forment la Coalition civique) parviennent à accéder à suffisamment de sièges dans les deux Chambres, ils pourraient former ensemble une majorité. Cependant, cela pourrait être plus compliqué pour le parti Droit et Justice d’en constituer une.
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Des manifestants participent à la « Marche du million de cœurs », organisée par l’opposition, dans le centre-ville de Varsovie, le 1er octobre 2023. (Photo par Wojtek Radwanski / AFP)
Une sortie de l’Europe en vue ?
Si l’ultra conservatisme reste au pouvoir, l’avenir de la Pologne semble être en jeu et la situation dans le pays pourrait s’empirer. Alors que la Pologne oppose généralement son véto sur des sujets d’immigration notamment, certains observateurs et citoyens craignent que le pays sorte de l’Union européenne à terme. Mateusz Morawiecki, le Premier ministre, étant en bras de fer constant avec Bruxelles aussi sur les questions des droits de la communauté LGBTQIA+, pratiquement inexistants. Certains médias comme le Gazeta Wyborcza sont menacés de disparition si les libertés deviennent plus strictes.
La Pologne est confrontée à un choix crucial. La Pologne se bat pour la victoire.
À Katowice, dans le sud du pays, le parti de Kaczynski organisait un meeting ce dimanche. « La Pologne est confrontée à un choix crucial. La Pologne se bat pour la victoire », a scandé le Premier ministre. « Nous pouvons le faire, nous devons le faire, parce que la Pologne est confrontée au choix le plus fondamental. Lors des prochaines élections, les Polonais ne répondront pas seulement à la question de savoir à quoi ressemblera la Pologne. Non seulement à qui appartiendra la Pologne, mais plus important encore, y aura-t-il la Pologne ? La Pologne existera-t-elle ? La Pologne sera-t-elle un pays souverain ? Nous répondrons à la question de savoir si la Pologne sera une terre européenne, une province européenne ou un pays souverain. »
Le PiS considère que le parti civique (PO) est étranger « donc allemand », comparant ainsi Donald Tusk au « mari politique d’Angela Merkel », mais aussi considéré comme « le serviteur de Berlin » par Jaroslaw Kaczynski, président du PiS et Vice-Premier Ministre.
Th. L.