JUSTICE

Attentats de Paris : des peines allant de 2 ans à la perpétuité incompressible


La plus longue audience criminelle jamais tenue en France depuis la Seconde Guerre mondiale s’est achevée. Le procès fleuve des attentats du 13 novembre s’est tenu du 8 septembre 2021 au 29 juin 2022. Dans cette affaire hors norme, des membres des commandos jihadistes, des soutiens et des logisticiens, soit vingt profils dont six absents, ont été au centre de tous les débats pendant près de dix mois. Parmi eux, Salah Abdeslam, le principal prévenu. Ce mercredi 29 juin, au terme d’un délibéré de trois jours, la cour a pénétré pour la dernière fois dans la vaste salle de bois clair spécialement conçue à cet effet pour prononcer son verdict à travers la voix de Jean-Louis Périès, son président. Avant l’énoncé des peines, ce dernier a tenu à préciser que la cour avait répondu « oui » à la majorité des voix à toutes les questions posées, à l’exception de celle concernant le caractère terroriste à l’association de malfaiteur concernant l’accusé Farid Kharkhach. « Les 19 autres accusés ont été reconnus coupables de la totalité des infractions pour lesquelles ils étaient renvoyés devant la cour ».  Sur les peines prononcées, elles vont de deux années de prison à la réclusion criminelle à perpétuité.

Salah Abdeslam

Il encourait la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté incompressible. C’est le verdict, une peine rarissime et la plus lourde prévue par le Code pénal français. Celui qui s’était présenté comme « un combattant de l’État islamique » au premier jour du procès n’a ensuite cessé d’osciller entre différentes postures. Il a mis cette évolution sur le compte du choc carcéral subi depuis son interpellation, en mars 2016. Dans une de ses dernières versions proposées à l’audience, Salah Abdeslam a assuré avoir « renoncé » à se faire exploser sur une terrasse du 18ème arrondissement « par humanité ». Le tribunal n’en a pas cru un mot.

Mohamed Abrini

La perpétuité avec une période de sûreté de vingt-deux ans avait été requise contre Mohamed Abrini, arrivé à Paris au sein du « convoi de la mort », mais reparti vers Bruxelles dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015. Il renoncera une deuxième fois à se faire exploser lors des attentats de Bruxelles, en mars 2016. La cour le condamne à la perpétuité, avec une période de sûreté de 22 années.

 Adel Haddadi et Muhammad Usman

Ces deux accusés ont d’abord emprunté la route des migrants avec les deux Irakiens qui se sont fait exploser au Stade de France avant d’être interpellés en Autriche, le 15 novembre. Ils n’ont donc pas pu rejoindre à temps les commandos. Vingt ans de réclusion avec une sûreté des deux tiers avaient été requis. Ils sont tous les deux condamnés à 18 ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté des deux tiers.

Osama Krayem et Sofien Ayari

Osama Krayem et Sofien Ayari ont séjourné dans les rangs du groupe État islamique en Syrie dès 2014, avant de revenir en Europe en septembre 2015, infiltrés parmi les migrants avec d’autres futurs terroristes. Selon l’accusation, ces combattants aguerris devaient participer aux attentats. Ils auraient dû mourir le 13 novembre à Paris, mais tous deux se sont rendus à l’aéroport de Schiphol, à Amsterdam, sans y commettre d’attentat et pour une raison inconnue. Contre Ayari et Krayem, restés muets à l’audience, avait été requise la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une sûreté de trente ans. Ils sont condamnés à 30 ans de réclusion avec période de sûreté des deux tiers.

Mohamed Bakkali

Mohamed Bakkali a été décrit par l’accusation comme « omniprésent » dans la préparation des attentats. Il est accusé d’avoir loué des planques et des voitures pour le compte des logisticiens en chef, les frères El Bakraoui. La perpétuité avec vingt-deux ans de sûreté avait été requise contre cette « cheville ouvrière » de la cellule djihadiste. Il écope de 30 ans de réclusion avec peine de sûreté des deux tiers.

Ali El Haddad Asufi

Ce Belge de 38 ans, proche des frères El Bakraoui, est considéré comme l’un des logisticiens de la cellule djihadiste franco-belge. Il est accusé notamment d’avoir tenté de se procurer des armes aux Pays-Bas. Seize ans de réclusion avaient été demandés à son encontre. Ali El Haddad Asufi est condamné à 10 ans de prison, avec deux tiers de sûreté.

Yassine Atar

Neuf ans de prison avaient été requis contre Yassine Atar, le frère d’Oussama Atar, « cerveau » des attentats. Selon l’accusation, il était « présent à des moments clés » de la préparation des attaques. Lui a toujours nié son implication, refusant d’être un coupable « de substitution ». Yassine Atar est condamné à huit ans d’emprisonnement avec deux tiers de période de sûreté.

Farid Kharkhach

 Six ans de prison ont été requis pour sa participation « ponctuelle et périphérique » à la préparation des attaques. Qualifié de « pièce rapportée » par les avocats généraux, Farid Kharkhach est accusé d’avoir confectionné de faux papiers pour la cellule terroriste, avant tout par « appât du gain ». Il est condamné à deux années de prison. Il était détenu depuis cinq ans et devrait donc être bientôt libéré.

Abdellah Chouaa

Les avocats généraux avaient requis une peine de six ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé contre Abdellah Chouaa, qui comparaissait libre. Ce Belgo-Marocain de 41 ans était jugé pour avoir accompagné et récupéré Mohamed Abrini à l’aéroport lors de son voyage en Syrie à l’été 2015. Au cours du procès, il a assuré qu’il ne savait rien des projets de son ami, considéré comme le « onzième homme » des attentats. Abdellah Chouaa est condamné à quatre ans de prison dont trois avec sursis, peine aménageable.

 Mohammed Amri et Hamza Attou

 Ces deux amis de Salah Abdeslam, originaires, comme lui, de la commune bruxelloise de Molenbeek, sont accusés d’être allés le chercher à Paris après les attentats, dans la nuit du 13 au 14 novembre, pour le ramener à Bruxelles. Une peine de huit ans d’emprisonnement a été requise contre Mohamed Amri. Hamza Attou, le plus jeune des accusés, encourait six ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt. Tous les deux ont nié avoir eu connaissance de l’implication de Salah Abdeslam en allant le chercher à Paris. Ils écopent respectivement de 8 ans de prison (avec période de sûreté des deux tiers) et 4 ans de prison (dont deux ans avec sursis, peine aménageable).

Ali Oulkadi

 Il est reproché à cet ami d’enfance de Brahim Abdeslam, le terroriste qui s’est fait exploser au Comptoir Voltaire, d’avoir conduit Salah Abdeslam dans une planque lors de son retour à Bruxelles, le 14 novembre 2015, et de ne pas l’avoir dénoncé. La peine la plus basse, cinq ans d’emprisonnement, a été requise contre ce Français de 37 ans. Ali Oulkadi est condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, peine aménageable.

Les absents

Ahmed Dahmani. Ce proche de Salah Abdeslam, soupçonné d’avoir apporté une aide active à la préparation des attentats, était jugé par défaut. il est détenu en Turquie depuis qu’il y a été arrêté, le 16 novembre 2015, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre l’État islamique. Le parquet avait requis contre lui la peine de trente ans de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Il est condamné à 30 ans de réclusion et une interdiction du territoire français.

Les terroristes présumés morts

Cinq cadres de l’État islamique étaient jugés en leur absence, faute d’une preuve formelle de leur décès en Syrie. Oussama Atar, Belgo-Marocain, chef de la cellule des opérations extérieures de Daech, est considéré comme le premier commanditaire du 13 Novembre. Les frères toulousains Jean-Michel et Fabien Clain, cadres de la propagande de l’État islamique, ont notamment été les auteurs du message de revendication des attentats. Obeida Aref Dibo, Syrien, était l’un des responsables des opérations extérieures, chargé du recrutement et de la formation des futurs assaillants. Omar Darif, Syrien également et expert en explosifs, a aidé à confectionner en Belgique les gilets des terroristes, avant de continuer de guider la cellule depuis la Syrie.

Contre chacun de ces cinq accusés, le parquet avait requis une peine de réclusion criminelle à perpétuité, assortie pour le seul Oussama Atar d’une période de sûreté incompressible. La cour les condamne à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie pour chacun d’eux d’une période de sûreté incompressible.

 

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Croquis d’audience du 15 mars 2022 de Salah Abdeslam lors du procès des attentats de novembre 2015 – AFP