SOCIETE

Un millier de Liégeois en ont assez d’une vie sous cloche

bePress Photo Agency / Philippe

Les manifestations citoyennes “anti-confinement” ont animé ce dimanche après-midi, modestement à Charleroi où une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées au parc Astrid, avec plus d’ampleur à Liège. A Charleroi, la mobilisation visait à dénoncer les mesures anti-covid prises par le Gouvernement fédéral, des mesures jugées “liberticides”. A Liège, le rassemblement organisé par le mouvement citoyen “Même pas peur”  au parc de la Boverie, a rapidement tourné à la fête en plein air, une fête bon enfant, “comme dans la vie d’avant” où les déclarations de lutte pour le retour aux libertés ou de ras-le-bol de l’oppression gouvernementale ont alterné entre les musiques pour danser toute l’après-midi. 

On n’en peut plus, on veut travailler, on veut s’asseoir aux terrasses, on veut être vacciné

Le ras-le-bol gronde dans la rue, et un dimanche de soleil ne peut qu’inciter les frondeurs à vouloir se faire entendre. C’était une fois encore le cas ce dimanche en cité ardente. Emmené par le Collectif “Même pas peur”, présent depuis quelques semaines dans plusieurs villes belges et luxembourgeoises, les Liégeois ont répondu à l’appel pacifique et bon enfant. Ce mouvement rassemble sous sa bannière les personnes issues de tous les secteurs touchés (abusivement?) par les mesures de confinement (majoritairement, Horeca et acteurs du secteur de l’événementiel, mais pas seulement).  D’une petite centaine rassemblée sur le coup de 11h, au parc de la Boverie à Liège, ils finirent pas être un millier dans le courant de l’après-midi, toutes générations confondues, masquées ou non, vaccinées ou non.

Dans l’esprit liégeois

“Je suis venue avec mon mari, on a 81 ans tous les deux, et on en a marre de tout ça. J’ai eu le Covid, lui aussi. Je suis vaccinée, lui pas encore. Et on est encore là et en forme. Et on veut encore en profiter un peu avec notre famille. On veut voyager encore un peu. C’est inadmissible que le gouvernement n’ait pas avancé d’un pouce en un an. Inadmissible qu’on ne puisse pas vacciner tout le monde rapidement. Je suis là pour ça et pour soutenir le ras-le bol général, on se moque vraiment de nous”, confie Marie. Tous ne sont pas rassemblés pour les mêmes raisons. Certains protestent contre les mesures de lutte contre le covid, d’autres contre la gestion politique et d’autre encore contre les violences policières. Même si certains policiers en congé était présents pour la cause. “Nous aussi, on en assez de travailler comme ça, on en a marre de tout ça“, confie l’un d’eux présent en famille.

Ras-le-bol de l’absurdie!

Tous, selon leur âge ou situation professionnelle, manifestaient leur ras-le-bol général en musique et pas de danse improvisés, entrecoupés par des temps de paroles mesurés et bien gérés . “On vit en absurdie!”, clame Raymond, 52 ans. “Vous avez vu ces nouvelles mesures? C’est n’importe quoi! Et en mai, on nous dira que l’épidémie est toujours là, jamais on n’en sortira si on ne dit rien. On  limite les jauges dans des lieux incroyables comme certaines petites boutiques ou les églises et on permet à 2000 personnes de se rendre dans les centres commerciaux. Plus personne n’applique vraiment les règles, sauf par crainte des PV, c’est ça qu’ils veulent, qu’on vive dans la peur de payer! Et bien non, on refuse de vivre dans la peur de la police et du virus. Le vaccin, je le veux bien, mais je n’ai pas l’âge encore pour le recevoir et en prime, y en a pas pour tout le monde, allez… On se fiche de qui?! A qui profite la crise, dites moi?!

La manifestation n’ayant pas été initialement accordée par les autorités communales, un cortège aurait dû mener tout ce beau monde jusqu’au centre ville de Liège. Mais sur le coup de 13h, les organisateurs annoncèrent au micro l’autorisation d’occuper le parc uniquement et de ne pas en bouger, jusqu’à 19h, tel qu’imposé par le bourgmestre Demeyer depuis le début du mois. On se doute que cette autorisation sur le fil des autorités communales (en collaboration avec la police) de ne pas bouger des bords de Meuse, visait à éviter tout nouveau débordement comme ceux rencontrés le 13 mars dernier.

Au milieu de l’après-midi, un appel fut lancé aux politiques de venir s’exprimer à la tribune improvisée, installée comme un DJ set au pied du musée d’Art contemporain. “Venez échanger avec nous,  les citoyens“, clamait l’animateur sous les huées et les applaudissements.
La police était présente en nombre, en civil, parmi la foule. Les interventions citoyennes et non racistes  (recommandation imposée par le collectif avant toute prise parole) se sont poursuivies toute l’après-midi dans une ambiance bon enfant et festive comme les Liégeois savent en vivre. “On se croirait dans la vie d’avant, un an qu’on se prive bêtement de tout ça, un verre, de la foule, des rencontres au hasard, de la musique en plein air, le droit de danser dans la rue”, confie Justine 28 ans. “C’est dingue quand on y pense, j’ai l’impression de rêver”. Entre  slogans hostiles au Gouvernement fédéral et aux mesures, c’est surtout le droit au travail et les libertés fondamentales qui ont été pointés du doigt et exposés publiquement entre deux chansons phares d’Annie Cordy, autre clin d’oeil  cocasse à une autre actualité tirée par les cheveux : pour beaucoup, les restrictions sanitaires ont montré leur inefficacité. “On dirait qu’ils (nos gouvernements) n’ont rien appris en un an, y a que nous qui le voyons ou quoi?!”

Retrouver nos vies

A 18h, conformément à ses engagements, le collectif coupa la musique et les personnes, des touristes aussi, bruxellois et flamands, encore présentes dans le parc ont été invitées à quitter les lieux avant 19h, heure de fermeture du parc. Sur les réseaux, les commentaires en faveur ou non de ce rassemblement avaient occupé bon nombre de Belges toute l’après-midi.  “Les gens râlent sur les réseaux, mais une action a lieu, ils ne se bougent pas. On veut juste exprimer notre malaise, beaucoup ont perdu le goût de vivre et on se demande pourquoi les mesures restent aussi dures. On n’avance pas. Et même si tous les pays autour de nous sont logés à la même enseigne, il est inadmissible qu’un petit pays comme la Belgique soit enlisé comme nous le sommes. On laisse crever l’Horeca sans rien dire, sans regarder. On nous menace de durcir les mesures, de ne pas respecter le calendrier au nom de chiffres qu’on peut vérifier par nous-mêmes et que le gouvernement choisit de lire à sa façon. On veut que ça bouge enfin!”, conclut Adam, 68 ans. “On veut retrouver nos vies, nos amis, avoir le droit de s’embrasser en rue sans se sentir observer comme des gens dangereux!”, renchérit Sabine, 50 ans. “Moi je veux avoir le droit de retravailler”, ajoute encore cette cuistot, 56 ans.

Au-delà de ça, “aucun incident n’est à déplorer”, a fait savoir la police de Liège en début de soirée, malgré la présence, par prudence de la police montée dépêchée sur place. Hier, s’est tenue à Liège une mobilisation qui tourna vite à l’esprit de fête si chère aux Liégeois, aux Wallons, aux Belges, finalement. Une manifestation citoyenne, intergénérationnelle rassemblant une population frondeuse, mais pas trop, simplement lasse d’une vie sous cloche, venue partager sa soif de revivre “comme avant”. D’autres rendez-vous semblent déjà être programmés.

 

 

 

 

Photo Philippe BOURGUET/bePres