SOCIETE

Précarité étudiante : occupation en cours au siège du gouvernement de la FWB

BELGA

« Il est grand temps que la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, prenne ses responsabilités. Le pouvoir d’achat de notre jeunesse est en déliquescence. » Remontés à bloc après deux ans de mobilisation et plusieurs journées d’action, les membres de la Fédération des Etudiants Francophones (FEF) passent à la vitesse supérieure. Depuis mercredi matin, ils sont entre 50 et 70 à occuper le siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le phénomène est rampant, mais réel et boosté par la crise sanitaire. En temps normal en Fédération Wallonie-Bruxelles, un étudiant sur quatre travaille pour payer ses études, soit environ 50.000 étudiants. Avec la crise, ces jobs ont disparu. Toutes raisons confondues, la précarité étudiante touche aujourd’hui 80.000 étudiants francophones. La tension est croissante sur leur pouvoir d’achat. Selon une enquête réalisée en novembre 2020 par la Fédération des Etudiants Francophones (FEF) auprès de 7.700 étudiants, 32% des étudiants éprouvent des difficultés à payer leurs études. Pour 22% d’entre eux, cela a un impact sur leur capacité à payer leurs frais scolaires et 39% ont du mal à payer leurs frais alimentaires et leurs soins de santé. La précarité des étudiantes est en effet encore plus grande : 25% d’entre elles disent rencontrer des difficultés pour s’offrir des produits d’hygiène intime. Par ailleurs, l’enseignement supérieur étouffe sous un régime d’enveloppe fermée qui diminue de 20 % le financement par tête d’étudiant. Le décret Paysage a participé à allonger les études et a augmenté le nombre d’étudiants non finançables.

Les 50 millions de refinancement annoncés ne seront pas suffisants pour permettre un enseignement de qualité et accessible à tous. La précarisation de la société pour cause de crise sanitaire aura aussi un impact supplémentaire sur l’accessibilité à l’enseignement supérieur, dénonce la FEF. Le nombre d’étudiants inscrits au CPAS a doublé en 10 ans. Une partie de notre jeunesse est contrainte de solliciter les services sociaux de leurs écoles et universités, une autre à se glisser dans la file des demandes de colis alimentaires, une autre encore à  pratiquer des activités limites…

Une prostitution alimentaire

La prostitution demeure une pratique associée dans l’imaginaire collectif à une personne « en marge » parce que « désespérée au point de vendre son corps ». Ainsi, lorsqu’il s’agit d’étudiantes, le malaise s’accroît. Et pourtant, des pratiques nouvelles, induites aussi par le contexte économique, apparaissent dans la sexualité non consentie. Les associations de terrains estiment à seulement 10% la prostitution assumée et choisie. Dans ces 10%, on retrouve des actes prostitutionnels d’un genre nouveau, une nouvelle forme de marchandisation des corps 2.0, comme le phénomène des « sugar babies ». Le constat fait désormais l’unanimité, la précarité des étudiant(e)s universitaires est en marche. Les difficultés financières et la prostitution étudiante qui en découle, sont une réalité sociologique en Europe.
Les jeunes femmes qui passent à l’acte seraient de l’ordre de 40.000 en France et de l’ordre de 8.000 en Belgique. Logement, frais universitaires, une année d’études coûte, en moyenne, entre 10.000 et 12.000 euros. À ces conditions, les revenus de certaines familles ne permettent plus aujourd’hui d’assumer un enfant, voire plusieurs, en écoles supérieures.

Sugar Babies « par nécessité »

Décrites dans la série américaine « The Girlfriend experience » et dans le film français « Mes chères études », quelles sont les véritables motivations de ces relations sulfureuses entre des hommes d’âge mûr et de jeunes étudiantes ? C’est en deuxième année d’études d’infirmière que Tania (21 ans) s’est décidée à poster une offre coquine sur Internet. « On était à la fin de l’année scolaire. J’étais sans le sou. C’est la seule solution rapide que j’ai trouvée pour tenir l’été et engranger suffisamment d’argent pour la rentrée académique suivante. L’homme qui m’a proposé de passer la nuit avec lui m’a fait comprendre qu’il y avait une jolie somme à la clef. On s’est d’abord rencontrés dans un café. Il m’a semblé correct. C’est un riche entrepreneur wallon, marié, trois enfants et sa femme n’a plus envie de sexe. On s’est vu plusieurs fois durant les mois de juillet et août. À 125 euros la prestation, j’ai vite pu mettre suffisamment de côté. Pour le reste, j’ai essayé de ne pas me poser trop de questions sur la portée de mes actes. Je n’ai jamais eu une vision misérabiliste de la prostitution. Cela évite de flancher. Je l’ai fait, parce que j’ai dû le faire. C’est tout. »

Dommage collatéral : le décrochage scolaire

Le décrochage scolaire est une des conséquences directes de cette réalité prostitutionnelle. Le temps consacré à l’activité est source d’échec. C’est du temps en moins pour étudier. En outre, si certaines étudiantes pensent avoir la faculté de se dédoubler et de gérer une parenthèse de vie, il leur est parfois difficile de tourner économiquement la page. Pour Léa (26 ans), le parcours professionnel a définitivement pris un chemin différent. 200 euros de l’heure et jusqu’à 1.200 euros la nuit, elle a vite compris qu’elle ne gagnerait jamais autant d’argent avec son diplôme d’assistante sociale en poche. Elle n’a pas voulu renoncer à ce confort et a donc choisi d’arrêter ses études pour rester dans le circuit. « Quand je sors aves des hommes d’affaires, un chauffeur vient me chercher, je vais au resto, je suis bien habillée. C’est sans doute devenu une addiction, je n’en sais rien. Arrêter de faire ce que je fais aujourd’hui me semble, en tout cas, aussi difficile qu’une accro aux jeux qui s’interdirait de rentrer au casino. Je m’en veux et en même temps je ne m’en veux pas. C’est la société qui m’impose cela ».

 

Photo: Des étudiants occupent un bâtiment, une action de quelques dizaines d’étudiants de la Fédération des Etudiants Francophones qui ont décidé d’occuper le bâtiment de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la Place Surlet de Chockier, à Bruxelles, mercredi 05 Mai 2021. Après plusieurs actions et aucune réponse politique, certains étudiants ont décidé d’essayer autre chose.