Société

Cyberharcelé(e) ? : sors de ta bulle et libère-toi !

D.R.

« T’es homo ? Tu devrais te suicider ! », « t’es la plus moche de l’école, tu devrais te détester ! », « les gros me dégoûtent, les salles de sport, ça existe ! », « cochon d’étranger, je vais te faire manger du porc ». Ce florilège d’insultes, c’est ce que lisent les enfants et les adolescents sur les réseaux sociaux. La violence ne s’arrête pas aux grilles de l’école. Le cyberharcèlement tue par une déconstruction numérique virale. Dans sa forme la plus extrême, le suicide est vu comme la solution ultime pour les victimes. Nous avons rencontré Alexine Bauduin (23 ans), une ancienne victime aujourd’hui ambassadrice de « Sors de ta bulle », une nouvelle démarche anti-harcèlement pour conscientiser tant les harcelés que les harceleurs.

Il est sournois et extrêmement destructeur. Ses dégâts sont considérables pour les jeunes victimes. Cette violence sexiste, raciste, homophobe ou tout simplement gratuite porte un nom qui fait trembler les directions des établissements scolaires : la cyber intimidation. L’impact dévastateur est énorme. Alexine Bauduin en a fait les frais lorsqu’elle avait 13 ans. Témoigner est son parcours militant pour sensibiliser au bon usage des réseaux sociaux et au respect mutuel. Pour briser le tabou, une équipe un peu particulière sillonne les écoles de Wallonie avec une bulle géante gonflable. Dans celle-ci, une psychologue accueille des groupes d’enfants, en compagnie d’un influenceur ou d’une influenceuse et Alexine, bien sûr.

« J’avais des idées noires »

Alexine est TDA/H (Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité). A l’âge de 13 ans, elle arrive en deuxième secondaire dans une école située à Binche. Elle fait rapidement l’objet de brimades et de critiques, une violence répétée qui va aller crescendo pendant de très longs mois. « En décembre, je n’en pouvais déjà plus. J’ai acheté des bottes blanches. C’est anecdotique, mais ces bottes ont fait l’objet d’un buzz négatif sur les réseaux sociaux. Cela m’a déprimée. Mes résultats scolaires se sont écrasés. C’est une véritable détérioration mentale. Et ce qui est terrible, c’est que l’on n’ose pas parler ni à ses parents ni à l’école. On se renferme de plus en plus. Et puis, on a peur. On pense que si l’on parle, ce sera pire. Mais, c’est pire si l’on ne parle pas ». Au printemps suivant, Alexine va connaître le sommet de l’humiliation. « Il y avait un marchand de glace dans les alentours de l’école. Mes harceleurs ont été acheter une glace à la camionnette et ils ont essayé de la glisser dans ma poitrine. Il y avait des témoins. Personne n’a réagi. On pense que c’est pour jouer, ce n’est pas un jeu. Je me suis sentie humiliée, vidée ».

D.R.

Alexine reste pourtant dans son mutisme. La fin de l’année scolaire approche et elle rumine des idées noires. « Je me suis dit : c’est la fin de l’année. Respire. Il est vrai que mon calvaire est suspendu pour l’été, mais je crains déjà la rentrée. Je ne me voyais pas repartir un an de la sorte. Mes émotions étaient arrivées à leur stade de saturation. J’étais épuisée mentalement, stressée, angoissée, sur le qui-vive, car on ne sait jamais quel sera le prochain post agressif qui sera balancé sur les réseaux sociaux. Il y a encore les séquelles des actes précédents et on sait déjà que le suivant sera pire, en escalade. Ce qui est terrible, c’est qu’il y a une prise de pouvoir du groupe et la victime ne sait rien faire pour se défendre. C’est là que j’ai eu le courage de parler enfin à mes parents ». Suite à cette parole libérée, Alexine va changer d’école. Ce sera le début de sa reconstruction. « J’ai trouvé un nouvel environnement, je me suis reconstruite avec une aide psychologique. Cela a été ma renaissance. Mais, tout le monde n’a pas cette chance ».

Inciter les élèves à libérer la parole

Derrière nos écrans, un élève sur trois est victime de harcèlement en Fédération Wallonie-Bruxelles et depuis la pandémie une augmentation de 30% a été enregistrée. Pour lutter contre le harcèlement scolaire, des dispositifs existent. « Sors de ta bulle » est l’un d’entre eux. Le concept utilise le langage des jeunes sur leur terrain de prédilection, les réseaux sociaux. Pour les milléniaux, les influenceurs sont une référence. Le but de la démarche est de faire rencontrer ces acteurs du web, d’écouter leurs histoires personnelles en tant que victimes du cyberharcèlement, comme celle d’Alexine, et de créer du lien et du sens, dans le dialogue.

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Dans une bulle gonflable, transparente, de 6m X 4,25m, les élèves s’installent pour y rencontrer l’influenceur, accompagné d’une psychologue qui dirigera l’atelier. Durant cet échange, les langues se délient et les conscientisations se réveillent tant du côté des harcelés que des harceleurs.

Les organisateurs soulignent qu’il est important de rappeler que le harcèlement scolaire ne connait ni catégorie sociale ni ethnie particulière. De l’enseignement général au professionnel, tous les milieux scolaires et familiaux sont concernés. « Sors de ta bulle » entame sa troisième édition. Afin de sensibiliser un plus large public, le mouvement anti-harcèlement,  a aussi décidé de réaliser un court métrage, « Le Choix », destiné à être diffusé dans les écoles, les festivals et sur les réseaux sociaux.

Pour faire venir la bulle à l’école, plus d’infos sur :
https://www.sorsdetabulle-be.com/