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Violences contre les femmes: Les bracelets électroniques sont-ils la solution ?

Photo d'une action de sensibilisation organisée par Mirabal à Bruxelles contre la violence à l'égard des femmes, en novembre 2020. BELGA

Ce dimanche 28 novembre, la FGTB et des associations féministes ont manifesté au Mont des Arts, à Bruxelles, contre les violences faites aux femmes. « NON aux violences faites aux femmes, STOP au sexisme ! » est leur slogan. Mais, le sexisme n’est que la partie visible d’un phénomène beaucoup plus profondément ancré : l’inégalité structurelle entre les sexes. Les violences faites aux femmes sont à la fois psychologiques, physiques, économiques et politiques. Un continuum de la violence qui peut malheureusement évoluer vers des agressions, des viols et au pire, des meurtres. Comment protéger efficacement les femmes ? On en parle avec Latifa Ait Baala, députée MR, Vice-Présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB).

Dans un système patriarcal profondément ancré, toute l’organisation sociale et économique est centrée autour du pouvoir des hommes pour les hommes et par des hommes. La compréhension de ce système est primordiale pour comprendre les inégalités qui sévissent entre les hommes et les femmes et les oppressions qui en découlent. Les domaines de dominations sont présents dans tous les espaces de notre société : le travail, la culture, la famille et la sexualité. Les violences faites aux femmes et plus particulièrement le viol, crime des plus barbares, posent une question d’actualité dans le débat politique : faut-il mettre les conjoints violents sous surveillance électronique ? L’introduction de cette sanction pour les auteurs de violences domestiques se pratique déjà dans plusieurs pays européens, comme au Luxembourg, depuis 2015. Criminel sous bracelet, la solution ? Plusieurs agressions récentes à l’Europe, parfois mortelles, ont été commises par des hommes qui pourtant étaient éloignés de par ce dispositif. Qu’en est-il actuellement en Belgique pour les auteurs de faits de violences intrafamiliales et est-ce la solution miracle ?

Un bracelet pour les femmes violentées

 « Les femmes victimes de violences graves seront munies d’un bracelet d’alerte », annonce en 2019,  Willy Demeyer, bourgmestre de la ville de Liège, en réponse à plusieurs interpellations lors d’un conseil communal. Le 24 octobre 2019, Vanessa Matz et Maxime Prévot déposent de manière concomitante une proposition de loi visant à protéger les victimes de violences intrafamiliales ou conjugales par le port d’un bracelet antirapprochement (Link vers : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/0682/55K0682001.pdf). Le but de la mesure est que l’auteur des faits soit éloigné du domicile commun, soit déjà séparé, soit gardé sous contrôle, afin de lui éviter un mandat d’arrêt, tout en permettant un meilleur contrôle et donc une meilleure prévention. « Cette proposition est toujours en discussion au niveau fédéral. Et déjà en 2004, une proposition de loi avait été déposée dans le même sens par des députés MR (Link vers :https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/0735/55K0735001.pdf ). On peut toutefois s’interroger sur la pérennité du dispositif », nous précise Latifa Ait Baala.

Un éloignement temporaire

 Mis en service fin septembre 2020 dans cinq juridictions du pays, le bracelet antirapprochements est étendu à toute la France à la fin de la même année. Conçu pour maintenir à distance un conjoint ou un ex-conjoint violent, cet accessoire, qui ressemble à une grosse montre-bracelet connectée, permet de géolocaliser l’auteur des violences et déclenche un système d’alerte si l’homme en question rentre dans le périmètre de la femme protégée (soit de 1 à 20 kilomètres définis par le juge). S’il ne rebrousse pas chemin ou ne répond pas à l’appel de la plateforme de téléassistance, la police est immédiatement alertée. De son côté, la victime doit porter en permanence le boîtier qui la géolocalise, même sans connexion Internet. Pour de nombreuses victimes, le système est effectivement une bulle d’oxygène, une petite zone de tranquillité, mais accordée pour une durée totale maximale de deux ans, dans l’attente d’un procès et d’un verdict.

Un bracelet a ses limites. Pour assurer ce suivi, nous devrions songer à la création d’un parquet spécialisé dans les violences faites aux femmes, comme cela existe déjà en Espagne.

Quelle efficacité dans l’après ?

 Passé le délai de  deux ans, la femme se retrouve à nouveau livrée à elle-même et c’est là que le phénomène de violences peut se réactiver. « Rien ne remplace le suivi du conjoint violent », nous précise Latifa Ait Baala. « Les juges doivent s’emparer de ce nouvel outil dissuasif utile pour prendre rapidement des décisions de suivi durant cette période de mise à l’épreuve. C’est là que réside l’efficacité du système sur le long terme parce que rien ne se substitue à la prévention. Et toute la chaîne pénale qui devrait y participer : policiers, magistrats, psychologues, associations d’aide. C’est là que nous aurons une réelle démonstration d’efficacité : en distillant de bonnes pratiques. Informer, sensibiliser, conscientiser, accompagner et changer est le vecteur pour opérer des changements dans les mentalités. Moins de violence est possible, mais il faut pour cela une approche globale de la violence. Le tout sécuritaire a ses limites. Un bracelet a ses limites. Pour assurer ce suivi, nous devrions songer à la création d’un parquet spécialisé dans les violences faites aux femmes, comme cela existe déjà en Espagne ».