FRANCE

Le polémiste Eric Zemmour se lance dans l’arène présidentielle

AFP

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, l’ancien journaliste décline ses thèmes de prédilection : déclinisme, immigration, réindustrialisation et surtout le grand remplacement, etc. Reste à voir maintenant si le secret de polichinelle dévoilé désormais au grand jour enrayera la descente dans les sondages qu’il enregistre actuellement. Maintenant qu’il a officialisé sa candidature à la présidentielle d’avril 2022, les choses sérieuses commencent : rassembler les 500 signatures de parrainages auprès d’élus habilités à le faire, rassembler les fonds nécessaires pour financer sa campagne.

Cette fois, on est fixé. Fini, le flou qu’entretenait Eric Zemmour quant à son éventuelle candidature à la prochaine élection présidentielle. Ce 30 novembre 2021, il a donc annoncé qu’il faisait le saut- certains ironisent déjà et ajoutent : « dans le vide ». Une annonce en deux temps. En début de soirée, une interview dans le 20 Heures de TF1 d’une durée d’un peu plus de cinq minutes. Une interview dans laquelle il a répété, sans grande surprise, l’annonce et les thèmes qu’il avait déroulés à la mi-journée dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux et vue par plus d’un million de personnes. Dans l’entretien accordé à la première chaîne française, Zemmour a dit et répété qu’il a voulu « un texte qui défend l’histoire millénaire de la France », qu’il est le candidat dont le programme « défend le mieux les femmes » et rappelé que, dorénavant, il n’est « plus le journaliste, l’écrivain mais le candidat à la présidence de la République ».

Des mots qu’il avait déjà prononcés à la mi-journée dans sa vidéo sur les réseaux. Tout y était….

Tout y était…. La pénombre, la bibliothèque, le micro, le ton quasi sépulcral. Sans parler de la référence totalement assumée à l’appel du 18-juin 1940 du général de Gaulle. Pendant sept minutes à la mi-journée de ce 30 novembre 2021, de polémiste, journaliste et écrivain, Eric Zemmour est passé à candidat à la prochaine élection (10 et 24 avril 2022) pour la présidence de la République française. « J’ai décidé de reprendre notre destin en main », a-t-il annoncé dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, avant de conclure : « Vive la République… et surtout vive la France ». Auparavant, avec en fond musical le 9ème mouvement de la 7ème Symphonie de Beethoven, il a déroulé. Il n’a pas regardé la caméra, il a lu son texte.

Tous ses thèmes qu’il développe dans ses écrits- journaux et livres, il les a repris pour faire un état des lieux de la France de cette fin 2021. Mieux : les lecteurs de son récent essai, « La France n’a pas dit son dernier mot », auront remarqué que le candidat déclaré à l’élection présidentielle a, en fait dans sa vidéo, repris les sujets qu’il y développait dans les trente premières pages…

Au moins, avec Eric Zemmour, il n’y a pas de surprise. Ses préoccupations et ses obsessions, on les connaît. Il les égrène dans les  journaux, à la radio et à la télé depuis une trentaine d’années. Certains propos l’ont mené au-delà de la ligne rouge et lui ont valu deux condamnations pour racisme et incitation à la haine raciale… Chez Zemmour, il l’a encore dit et répété ce 30 novembre 2021, on parle déclinisme, immigration, réindustrialisation et surtout grand remplacement. « Vous avez l’impression de ne plus êtes dans le pays que vous connaissiez », « Vous êtes des exilés de l’intérieur », « La France n’est plus la France », « Droite ou gauche, ils nous ont menti, ils vous ont caché la réalité du remplacement »,… Et le polémiste, de se définir sans la moindre gêne comme « radical », ce que n’est plus, à ses yeux, Marine Le Pen. Donc, il ne pouvait faire autrement que de se lancer dans la bataille électorale : « Je croyais qu’un politicien allait s’emparer du flambeau que je lui transmettais. Je me disais : « à chacun son métier, son rôle, son combat. Je suis revenu de cette illusion. Comme vous, je n’ai plus confiance et décidé de prendre notre destin en mains. J’ai compris qu’aucun politicien n’aurait le courage de sauver le pays du destin tragique qui l’attendait ».

Droite ou gauche, ils nous ont menti, ils vous ont caché la réalité du remplacement.

Un moment pas choisi au hasard

Selon un proche, Eric Zemmour a tourné la vidéo d’annonce de sa candidature il y a deux semaines, et a donné le feu vert pour sa diffusion le 29 novembre. Plusieurs éléments l’ont incité à avancer l’annonce prévue pour, au plus tôt, le 5 décembre. Mais, alors que depuis septembre, il était haut dans les sondages, en troisième position,  faisant du touche-touche avec Marine Le Pen, cette dernière quinzaine lui a été difficile : d’abord, sa présence jugée « indécente » au Bataclan pour « honorer » la mémoire des victimes des attentats du 13 novembre 2015 ; ensuite, des propos clivants sur des sujets sensibles ; enfin, un déplacement « calamiteux » à Marseille avec, en point d’orgue, un doigt d’honneur en réponse à celui que lui avait adressé une femme… « J’ai décidé de me présenter pour que les Français restent des Français », a-t-il affirmé. On se doute également que ses interventions de ce 30 novembre ne doivent rien au hasard : le soir suivant la vidéo puis l’interview au 20 Heures de TF1 était programmée, sur France 2, le quatrième et dernier débat des cinq candidats à l’investiture des LR (Les Républicains), et le 5 décembre, Zemmour tiendra un meeting au Zénith de Paris alors que les LR annonceront le nom de leur représentant élu en congrès pour la présidentielle.

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Marine Le Pen, lors de son discours devant des militants durant le congrès du Rassemblement national à Perpignan en juillet 2021.

Un candidat passéiste et lugubre selon le Rassemblement national

Certes, Eric Zemmour n’a pas de parti mais il lorgne, à l’extrême droite, sur une partie des électeurs de Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement National (RN), et, à droite, sur ceux qui, en 2017, soutenaient François Fillon. Marine Le Pen a réagi à l’annonce de la candidature du polémiste : « J’ai trouvé ça passéiste et crépusculaire », tandis que l’un de ses proches, Sébastien Chenu (député RN du Nord) a trouvé la vidéo « lugubre et très nostalgique », ajoutant : « On ne voit pas bien quelles solutions il va apporter. (…) Ce n’est pas un candidat d’espoir, qui va réparer et redresser le pays. On a besoin de quelqu’un d’énergique, de cohérent, et on ne voit pas ça : c’est très passéiste ». Chez les LR, le député du Vaucluse, Julien Aubert a simplement commenté : « Je refuse de canoniser Eric Zemmour et de le diaboliser, il a le droit d’être candidat… ».

J’ai trouvé ça passéiste et crépusculaire .

La chasse aux parrainages est ouverte

Maintenant, les choses sérieuses vont véritablement commencer pour Eric Zemmour qui va devoir régler deux sujets capitaux : réunir des fonds suffisants pour financer sa campagne électorale, et obtenir les 500 « parrainages » auprès de 42.000 élus habilités à donner leur signature. A ce jour, l’entourage d’Eric Zemmour assure avoir la promesse de 300 signatures… Et puis, une confidence d’une députée LREM (La République en Marche), le parti présidentiel, répondant à une question sur le silence du président Emmanuel Macron au sujet du polémiste-candidat : « Pour l’heure, Emmanuel Macron n’est pas candidat et n’a donc pas à intervenir dans ce débat. Mais, croyez-moi, dès le jour où il décidera d’être candidat à sa succession, là sur Zemmour, il va cogner fort »…

Serge BRESSAN (à Paris)