OPINION

Hommage au professeur Luc Montagnier: Science et Conscience


Il fut l’un des plus grands savants français, à la charnière du XXème siècle et notre temps. Biologiste de notoriété internationale, éminent virologue, professeur émérite au prestigieux institut Pasteur, membre de diverses académies à travers le monde (dont, en France, l’Académie des Sciences et l’Académie Nationale de Médecine), référence majeure du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Luc Montagnier fut aussi directeur du centre de biologie moléculaire au Queens College de l’université de New York, détenteur de nombreuses distinctions honorifiques, dont, outre ses multiples « Docteur Honoris Causa » au sein de quelques-unes des universités les plus réputées aux quatre coins de la planète, le prix Nobel de médecine, en 2008, pour avoir découvert, notamment, le virus du VIH.

Et pourtant : décédé, à l’âge de 89 ans, ce 8 février, c’est dans une indifférence quasi générale, sans le moindre hommage digne de ce nom dans la presse qui compte, et encore moins de la part des autorités officielles (que ce soit de l’actuel Président de la République, de son Premier Ministre ou de son Ministre de la Santé), que cet homme illustre, hautement qualifié par-delà sa louable humilité, nous a quittés ! Pis : ce n’est que deux jours après sa mort que celle-ci fut, le 10 février seulement, révélée, via une poignée de communiqués plutôt lacunaires, timides et même embarrassés, sinon parfois polémiques, voire carrément irrespectueux pour sa mémoire, au grand public !

De légitimes questions sur la fiabilité du vaccin contre la Covid-19

Son impardonnable tort, donc, aux yeux de l’establishment, d’où il fut ainsi mis arbitrairement au ban, sinon exclu, sans autre forme de procès que de très sommaires préjugés, brutalement ?
Avoir osé critiquer ouvertement, sans s’être toutefois jamais montré dogmatique à cet épineux sujet, la réelle efficacité tout autant que les bienfaits supposés, jusqu’à preuve du contraire, documents aussi sérieux que scientifiques à l’appui, du vaccin contre le Covid-19. Et, a fortiori, dans la foulée, du pass sanitaire tout autant que du pass vaccinal, eux-mêmes assortis de contestables, sinon dommageables et même contreproductives restrictions, au nom de la sécurité collective, des libertés individuelles !

Quant à son principal argument pour étayer semblable thèse, manifestement irrecevable pour la plupart de nos médias comme de nos gouvernements, il consistait, principalement, en cette simple, quoique sensée, prise de position au regard de la fiabilité dudit vaccin.

Animé par une saine prudence en la matière et, loin d’être un anti-vax borné, laissant donc à tout un chacun le libre choix quant à cette sacro-sainte vaccination, le professeur Montagnier, fort de son savoir médical tout autant que de son expérience scientifique, estimait que l’on n’avait pas le recul temporel nécessaire pour évaluer à leur juste mesure, de manière rigoureuse, rationnelle et professionnelle à la fois, le potentiel danger, au vu de cette énorme prise de risques, de ses effets secondaires sur le corps humain.

D’autant, arguait-il encore pour conforter cet audacieux mais néanmoins crédible point de vue, que ce fameux vaccin contenait, à ses dires de virologue expérimenté tout autant que de biologiste patenté, des éléments artificiellement fabriqués, fussent-ils infimes, en laboratoire (dont celui de Wuhan, en Chine), du virus du sida, conjoint, pour aggraver la situation, à celui de la malaria.

Les nuances d’un discours, contre les dérives complotistes

Oui : ce fut là, en réalité, tout ce que le professeur Luc Montagnier se limita à dire quant à  l’obligation vaccinale ! Davantage : jamais il n’affirma, non plus,  que ce même vaccin fût élaboré, sciemment, à des fins criminelles.
Au contraire : il soutint toujours que l’émergence de ce coronavirus fut très certainement, en fait, l’imprévisible mais malheureux résultat, avec les désastreuses conséquences que l’on sait à l’échelon mondial, d’une mauvaise manipulation, accidentelle mais non certes intentionnelle, au sein de ces recherches médicales.

C’est là, précisément, qu’il se distanciait, répéta-t-il à l’envi, mais sans être réellement entendu ni même écouté par ses détracteurs, des dérives, non moins regrettables par leur aspect tout aussi manichéen, complotistes ! En cela le professeur Luc Montagnier ne s’écartait guère, du reste, des thèses énoncées, depuis le début de cette même pandémie, par un autre grand savant français, par ailleurs outrageusement caricaturé, lui aussi ostracisé jusqu’à une encore plus infâme diabolisation parfois, par le courant dominant en la circonstance : le professeur Didier Raoult !

C’est ce discours tout en nuances, où l’exigence de la réflexion critique l’emportait légitimement sur la facilité du conformisme ambiant, que bon nombre de nos contemporains, pour qui la complexité de la pensée peut même s’avérer parfois suspecte au sein de nos sociétés trop souvent paresseuses intellectuellement, n’ont pas compris. Hélas,  dans le solitaire mais courageux combat scientifique, fait de sagesse philosophique et de noblesse morale tout à la fois, du professeur Luc Montagnier, lequel, en l’occurrence, aura ainsi fait également sien, pour le bien de l’humanité elle-même, ce célèbre mais surtout juste aphorisme, extrait de son « Pantagruel », de François Rabelais, fondateur du scepticisme moderne et, à ce titre, l’un des plus brillants et libres esprits, par-delà son côté parfois excessivement railleur, de la Renaissance française : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Les progrès de la technologie face aux vertus de la bioéthique

Ce fut pourtant là, en effet, l’une des sources, on ne peut plus souhaitable, de ce que nous appelons de nos jours la « bioéthique » – une discipline s’efforçant de concilier, idéalement, les visées du progrès technologique avec les vertus de la responsabilité morale – telle que nous devrions la concevoir théoriquement, et chez l’homme de science en particulier, aujourd’hui.

A méditer, afin d’éviter à l’avenir, autant que faire se peut, d’autres et immenses tragédies humaines, en plus d’avoir jeté aussi honteusement le discrédit sur l’un des hommes pourtant les plus admirables, par sa connaissance tout autant que son intégrité, de notre temps…

Car, oui, le professeur Luc Montagnier, par ses qualités humaines, fut également un exemple, par-delà même son indéniable valeur scientifique, de ce bien de plus en plus rare et précieux, au sein de nos sociétés marchandes, pseudo-démocratiques, qu’est celui de l’honnêteté intellectuelle !

                                                                Daniel Salvatore SCHIFFER

Philosophe, récent auteur d’un livre critique, concernant la gestion socio-politique de la pandémie de la Covid-19, intitulé  « Le meilleur des mondes possibles » , Ed. Samsa, coécrit avec R.Redeker et E. Godart.