JUSTICE

Négociation d’otages : Viktor Bout contre la basketteuse Brittney Griner et Paul Whelan


La basketteuse américaine Brittney Griner (31 ans) a été condamnée en Russie à 9 ans de prison pour trafic de drogue, après son arrestation à l’aéroport, en possession d’une vapoteuse, autorisée aux States, contenant du liquide à base de cannabis. Cette lourde peine a été qualifiée d’« inacceptable » par le président Joe Biden. Depuis sa privation de liberté, quelques jours avant l’offensive russe en Ukraine, la double championne olympique est plongée dans la crise géopolitique qui oppose la Russie aux États-Unis. Moscou se dit prêt à négocier la libération de la basketteuse sous certaines conditions. Viktor Anatolievitch Bout (55 ans), l’un des plus influents et importants trafiquants d’armes au monde, actuellement détenu aux Etats-Unis, serait l’enjeu. Paul Whelan (52 ans), un Américain condamné à 16 ans de prison en Russie pour espionnage et qui clame son innocence, pourrait être globalisé avec Brittney Griner dans l’échange. Retour sur le parcours de Viktor Bout, « The Lord of War ».

Ces dernières semaines, la diplomatie russe n’a cessé de répéter que l’échange de la double championne olympique pourrait être évoqué pleinement, mais seulement une fois le verdict tombé.
« Nous sommes prêts à discuter de ce sujet, mais seulement dans le cadre du canal (de communication) qui a été convenu par les présidents (Vladimir) Poutine et (Joe) Biden », a indiqué vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d’une conférence de presse tenue depuis le Cambodge.
A l’énoncé du verdict de condamnation de Brittney Griner, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a donc indiqué avoir pressé son homologue d’accepter l’ « offre conséquente » de Washington faite à Moscou pour obtenir la libération de Brittney Griner et Paul Whelan, soit leur livrer Viktor Bout détenu aux Etats-Unis. Mais qui est-il ?

Le « marchand de mort »

Surnommé le « marchand de mort », Viktor Bout purge une peine de 25 ans dans une prison américaine. L’homme a été longtemps l’individu le plus recherché de la planète. Arrêté en 2008 en Thaïlande, il a été extradé vers les États-Unis en 2010, après une opération d’infiltration de la Drug Enforcement Agency (DEA) deux ans plus tôt. Les agents de la DEA se sont fait passer pour des acheteurs potentiels d’armes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Viktor Bout a toujours contesté les faits. De sa version, il n’était qu’un entrepreneur possédant une entreprise de transport international légitime, accusé à tort d’avoir tenté d’armer les rebelles sud-américains et victime des machinations politiques américaines. Mais un jury de New York n’a pas cru à son histoire.
En 2012, il était reconnu coupable de conspiration visant à tuer des Américains et des fonctionnaires américains, de livraison de missiles anti-aériens et d’aide à une organisation terroriste.

« The Lord of War »

Viktor Bout est né au Tadjikistan sous domination soviétique. Il a commencé sa carrière dans le transport aérien au début des années 1990, après la chute de l’URSS. Selon un livre publié en 2007, Merchant of Death, par les experts en sécurité Douglas Farah et Stephen Braun, le trafiquant a construit son empire en revendant des pièces d’avions militaires laissés à l’abandon sur les terrains d’aviation de l’ancien empire soviétique. Il a ensuite entrepris d’acheminer des armes par le biais d’une série de sociétés écrans vers des régions d’Afrique déchirées par la guerre.
Il a, par ailleurs, soutenu le régime de l’ancien Président de la république du Liberia, Charles Ghankay Taylor, condamné par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour avoir encouragé des crimes de guerre pendant la guerre civile en Sierra Leone. Le but de Viktor Bout : déstabiliser le pays et obtenir un accès illicite aux diamants.

AFP


Copyright -Dans cette photo d’archive prise le 16 février 2010, Viktor Bout patiente dans une cellule du tribunal pénal de Bangkok avant son extradition vers les États-Unis.

Viktor Bout a également été suspecté d’avoir été marchand d’armes pour le compte d’al-Qaïda et pour les Talibans. Il aurait également armé les deux camps de la guerre civile en Angola et fourni des armes aux gouvernements de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo, du Soudan et de la Libye.
Les exploits de l’ancien officier de l’armée de l’air soviétique ne se comptent plus. Ils sont si notoires qu’ils ont inspiré, en 2005, un film hollywoodien,  « The Lord of War », dans lequel Nicolas Cage interprète un trafiquant d’armes cynique.

Ce jeudi 4 août, à l’annonce de la peine infligée à Brittney Griner, la femme du marchand d’armes, Alla Bout, a déclaré par voie de presse espérer un échange, exprimant sa « compassion » envers les proches de la jeune femme.
« Que Dieu fasse en sorte que nos pays trouvent une entente », a-t-elle précisé. Washington et Moscou ont renoué avec la pratique de l’échange d’otages, évocatrice de la Guerre froide, en avril dernier.
L’ancien Marine américain Trevor Reed – condamné en juillet 2020 à 9 ans de prison pour avoir agressé, en état d’ébriété, un an plus tôt, deux policiers appelés sur les lieux d’une fête à Moscou – avait alors été échangé contre Konstantin Yaroshenko, un pilote russe reconnu coupable de trafic de drogue pour avoir fait passer plus de 100 millions de dollars de cocaïne aux États-Unis.

 

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