DES POLICIERS ATTAQUES AU COUTEAU

Agressions à l’arme blanche : le terrorisme low cost est la nouvelle menace

Une garde d'honneur pour le policier blessé lors d'une attaque au couteau jeudi dernier, alors qu'il quitte l'hôpital, UZ Jette, samedi 12 novembre 2022. BELGA

Fichés S, ils sont connus des services de renseignement. Aucun n’a prêté allégeance à un groupe terroriste et aucun groupe ne les a reconnus comme membres. Quand ils sont visibles, les signes précurseurs de leur radicalisation s’expriment par le biais des réseaux sociaux. Lors du passage à l’acte, aucun n’a ouvertement déclaré de motivation politique. Leur djihadisme est individualisé, leurs cibles sont indéterminées et leurs seules armes sont des couteaux. Londres, Paris, Milan, Bruxelles, ces agressions à l’arme blanche se multiplient et contribuent largement au sentiment d’insécurité dans l’espace public. L’électron libre voyou est l’héritier contemporain du criminel salafisé par une organisation extrémiste. Décryptage d’un terrorisme low cost, anti-valeurs démocratiques, difficile à anticiper et qui alimentent une réelle menace diffuse. 

Depuis les années 1970 jusqu’aux attentats perpétrés par Al-Qaïda au début des années 2000, le terrorisme se manifestait par des opérations d’envergure nécessitant une logistique pointue, des armes lourdes  et des financements conséquents. Avec Daech, un autre chapitre s’est ensuite ouvert. Des combattants étrangers sont alors recrutés un peu partout en Europe pour affaiblir le Vieux continent, avec un nouveau variant : le terrorisme prend, le plus souvent, la forme d’attentats-suicides de masse orchestrés. Paris, Nice, Bruxelles, le défi pour nos sociétés est alors redoutable, mais l’objet idéologique revendiqué est clair. Le combat est politico-radical. Phénomène nouveau, à l’ère des réseaux sociaux, le djihadisme s’individualise. N’importe quel quidam peut se saisir d’un couteau pour rendre sa « justice divine ». Et ce terrorisme low cost est difficilement maîtrisable.

Plus besoin de QG, ni d’ordres

L’entrepreneur individuel d’un acte terroriste, qui n’est rattaché à aucun groupe, s’autoreconnaît comme combattant de la cause et frappe seul. Facilitée par le numérique, cette forme de radicalisation comme la décentralisation est totale. La violence est soudaine et donc difficile à détecter. Cartographier le profil des agresseurs (âge, nationalité, motifs, antécédents judiciaires et psychologiques), comme celui des victimes, afin de pouvoir établir un plan d’actions et éviter que ces attaques se produisent et se multiplient, relève de l’ordre de l’impossible. Seule constante : la source d’autorité et de légitimité du passage à l’acte est l’islam.

Un terrorisme anti-valeurs démocratiques

Le profil de ces terroristes pointe, de manière inédite, la société occidentale elle-même et ses valeurs démocratiques, accusée d’avoir engendré ce bacille que le contexte international nourrit et stimule. Ce terrorisme victimaire s’inscrit dans le registre de la violence politique. Il joue tout à la fois sur l’irruption de la mort dans le quotidien et la déstabilisation de l’autorité étatique. Symboliquement, ce sont des figures détentrices de l’autorité qui sont visées, que ce soient des enseignants, des militaires ou des policiers. Il y a clairement un ressentiment de rejet de ces institutions qui nourrit le passage à l’acte. Le terroriste ne se voit pas comme un monstre, mais comme une victime qui fait justice. Selon sa logique, il ne fait que tuer un oppresseur. Il rend partant service à la communauté et la délivre.

L’attente aveugle accroît en outre le sentiment d’interchangeabilité des cibles. L’identification compassionnelle ressenties par les citoyens/spectateurs provoque une panique diffuse. Les « victimes » psychologiques sont ainsi infiniment plus nombreuses que les personnes tuées ou blessées. Cette dimension constitue indiscutablement le principe d’action de ce terrorisme low cost et sa force de frappe symbolique. En résumé, cela aurait pu être moi et non mon collègue …