PIECE UNIQUE DE L'ART NOUVEAU A BRUXELLES

Ouverture de la Maison Hannon à Bruxelles: un bijou « Art nouveau » enfin accessible

Une vue de l'entrée de la Maison Hannon. Crédit Sébastien Boussois

Bruxelles est une des grandes capitales mondiales de l’Art nouveau. Avec Nancy, Paris, Riga, Glasgow, Budapest, Vienne, Barcelone, la capitale de l’Union européenne a longtemps négligé son patrimoine et notamment ses chefs-d’œuvre d’architecture art nouveau. Au-delà de l’Europe, ce courant protéiforme inspirera jusqu’aux Etats-Unis, en Amérique Latine ou encore en Russie. La Maison Hannon, à Saint Gilles, est un des bijoux de ce courant artistique qui a essaimé de 1890 jusqu’à l’avant-première Guerre Mondiale. Située à l’angle de l’avenue de la Jonction et de l’avenue Brugmann, la Maison Hannon a rouvert ses portes jeudi 1er juin.

Bruxelles a une place particulière au sein de ce courant mondial, car c’est en Belgique que le courant s’est imposé à partir de 1890. Cet art global, floral, alliant richesse des matières, s’appuie sur l’esthétique des courbes, cassant avec le style trop rectiligne. Né pour contrer les dérives de l’industrialisation qui formate tout, reproduit à l’infini les mêmes styles, le style Art nouveau est unique, chaque maison est pensée et conçue pour être une pièce unique. Tout est dessiné de A à Z, des façades, des fenêtres, des murs, des cloisons et des objets du quotidien. C’est-à-dire de la serrure et à la poignée d’entrée en passant par la fourchette et le couteau qu’utilisera l’heureux propriétaire d’une maison de ce style. Et le phénomène devient planétaire.

De grands noms belges de l’Art nouveau

Il prendra le nom de Tiffany Outre-Atlantique, Sécession en Autriche, Modernismo en Espagne, « Jugendstil » (style de la jeunesse) en Allemagne, Modern en Russie. Mais c’est le mot à la française qui sera gravé dans l’histoire : « Art nouveau », c’est beau, c’est chic, et ça sonne français. A Bruxelles, les noms des architectes sont mondialement connus : Victor Horta, Paul Hankar, Henry Van de Velde, Paul Cauchie, Léon Delune, Léon Govaerts et Jules Brunfaut entre autres.

La Maison Hannon, à Saint Gilles, avec l’Hôtel Solvay, le Musée Horta, la Maison Autrique, la Maison Cauchie,  et l’Hôtel Tassel, est un des bijoux de ce courant artistique qui a essaimé de 1890 jusqu’à l’avant-première Guerre Mondiale. Un bijou qui coûte cher : généralement, ce sont des grands industriels qui s’offrent une maison Art nouveau. La période de diffusion de l’Art nouveau sera relativement courte, et l’économie de guerre qui va survenir en 1914 aura raison d’un courant sur-mesure qui coûtait excessivement cher à ses ordonnateurs et ses propriétaires.

Une des poignées de la Maison Hannon, joyau de l'Art nouveau à Bruxelles. Crédit Sébastien Boussois

La Maison Hannon, une pièce unique

Située à l’angle de l’avenue de la Jonction et de l’avenue Brugmann, la Maison Hannon a rouvert ses portes jeudi 1er juin. Unissant l’Art nouveau belge à l’art français, la maison appartenait au couple Hannon, qui a avait commandé sa maison à l’architecte Jules Brunfaut, qui ne fera qu’une seule production de ce style. Edouard Hannon était ingénieur chez Solvay. Né en 1853 et mort en 1931, Edouard Hannon a dû se retourner dans sa tombe quand, à la mort de sa fille, la maison a été abandonnée et livrée aux pillards.

Il a fallu 1983, pour que la commune de Saint-Gilles se porte acquéreuse, et en fasse un espace photographique. Bien loin d’être rénovée selon les critères et le style Art nouveau, il faudra encore attendre 2011 pour qu’un vrai projet de réhabilitation voie le jour et que les travaux démarrent pour retrouver au plus près de l’authenticité la maison telle qu’elle était du temps de Hannon.

Jouissant de belles courbes, et de beaux volumes, la façade dispose d’une magnifique bow-window. A l’époque de Hannon, on pouvait y trouver l’escalier majestueux en acajou ressuscité au mieux, qui court vers le première étage, avec des fresques superbes, et des luminaires et du mobilier directement commandé au maître verrier français Emile Gallé, depuis son atelier de Nancy. Le fameux Louis Majorelle, peintre du père orientaliste Jacques Majorelle et lui aussi originaire de Nancy, complètera le mobilier unique de la maison. Les fresques de l’escalier sont décorées à l’époque par le peintre rouennais Paul-Albert Baudouin. Beaucoup de marqueterie, de vitraux et de marbre dans cet écrin sont également visibles comme avant.

Gregory Van Aelbrouck, le conservateur de la Maison Hannon, a mis toute son énergie et ses tripes pour venir à bout de ce chantier de restauration. Il est désormais le gardien du temple. Passionné lui-même d’Art nouveau, il baigne dedans au quotidien et veille à la destinée de ce monument classé. Soucieux de préserver l’âme des lieux, il gère déjà au quotidien les moindres détails, comme respecter le silence nécessaire pour apprécier ce bâtiment cathédrale et son esprit sacré. Homme-orchestre, on dit même qu’il y a mis des meubles à lui pour enjoliver l’exposition des objets art-nouveau qui habite les lieux. La restauration, notamment le second étage actuellement inaccessible, est prévue jusque 2030.

S.B.