EDITO : LA SNCB SUR LA SELLETTE

Commande du siècle : quand la SNCB torpille l’industrie ferroviaire belge

CEO de la SNCB, Sophie Dutordoir sera bien obligée de fournir des explications convaincantes sur la décision du transporteur ferroviaire belge. BELGA

Ce lundi 3 mars 2025, nos confrères du magazine Trends-Tendances révélaient que la SNCB a retenu le constructeur ferroviaire espagnol, CAF, pour la livraison de trains en vue du renouvellement de centaines d’automotrices AM30, dans le cadre d’un appel d’offres européen. Il s’agit d’un important contrat de plus de 3 milliards d’euros sur une période de plus de 10 ans. D’autres constructeurs comme Alstom Belgique, filiale du groupe français Alstom, et l’allemand Siemens, avaient également soumissionné pour remporter le marché.

L’offre de CAF affiche 3,4 milliards d’euros, supérieur de 100 millions par rapport à celle d’Alstom (3,3 milliards), alors que Siemens propose de livrer les futurs trains pour 3,6 milliards d’euros. Au niveau du prix, l’offre d’Alstom apparaît comme la plus avantageuse pour la SNCB (qui bénéficie chaque année de subventions de l’Etat).

Mais des éléments techniques ont probablement dû jouer dans l’analyse des offres dans la mesure où celle-ci attribue un score global de 76,3% à CAF et 75,9% à Alstom.

Certes, il n’est nullement pas question ici de ne pas respecter les règles de droit des marchés publics en attribuant le contrat au constructeur dont l’offre respecte les critères imposés par l’appel d’offres.

La question est de savoir pourquoi la SNCB n’a-t-elle pas introduit dans le cahier spécial des charges de l’appel d’offres européen d’autres critères objectifs liés notamment à l’emploi ou encore à l’environnement industriel ?

La question est de savoir pourquoi la SNCB n’a-t-elle pas introduit dans le cahier spécial des charges de l’appel d’offres européen d’autres critères objectifs liés notamment à l’emploi ou encore à l’environnement industriel pour rendre sa décision plus solide et inattaquable ?

Car en intégrant ces données, outre le fait qu’Alstom Belgium a proposé l’offre la moins-disante au niveau du prix, la filiale belge du constructeur français avait toutes les chances de remporter ce contrat du siècle. Surtout quand on sait qu’Alstom Belgique emploie plus d’un millier de travailleurs à Charleroi (Wallonie) où elle a notamment installé son centre d’excellence mondial pour le service de signalisation (système d’arrêt automatique des trains pour éviter des accidents/ERTMS).

Les administrateurs de la SNCB ont-ils posé des questions sur les retombées du contrat pour le tissu économique belge/régional et pour l’emploi ?

Par ailleurs, elle dispose aussi d’un autre centre d’excellence de renommée mondiale à Bruges, spécialisé dans l’assemblage et les tests pour les trains. Le site brugeois réalise même des tests pour des trains de la SNCB (les M7) et occupe près de 480 travailleurs. On comprend le courroux et l’incompréhension du patron d’Alstom Belgique, Bernard Belvaux face à la décision de la SNCB, au regard des éléments.

La décision de la direction de la SNCB surprend au regard des éléments. Mais elle est d’autant incompréhensible qu’on peut se demander si les administrateurs du transporteur ferroviaire belge, tous étiquetés politiquement et dont certains y représentent les Régions, ont fait leur travail d’interpellation de la direction de l’entreprise. Ont-ils posé des questions sur les retombées du contrat pour le tissu économique belge/régional et pour l’emploi ?

Ce dossier rappelle un autre contrat important que la SNCB avait signé en mai 2008 avec Siemens pour la livraison des trains Desiro ML devant rouler pour le RER à Bruxelles.

Ce dossier rappelle un autre contrat important que la SNCB avait signé en mai 2008 avec Siemens pour la livraison des trains Desiro ML devant rouler pour le RER à Bruxelles. Le contrat d’environ 1,42 milliard d’euros avait déclenché une polémique obligeant les partenaires, principalement Siemens qui s’était engagé à sous-traiter des contrats pour 300 millions d’euros à Bombardier et à Alstom. Le constructeur allemand avait d’ailleurs du mal à respecter le contrat et s’était d’ailleurs vu infliger des millions d’euros d’amendes par la SNCB.

Près de 17 ans plus tard, la SNCB prend une nouvelle décision importante qui va lui attirer des critiques justifiées, alors que ses dirigeants et son conseil d’administration auraient dû mieux préparer le dossier pour éviter ce couac.