EDITO

Manifestation fourre-tout

BELGA

Ce samedi, Bruxelles est devenue, en l’espace d’un jour et par beau temps, la ville de la liberté d’expression, prise d’assaut par plus d’un millier de manifestants venus pour diverses raisons. Il y avait, parmi eux, certains venus clamer haut et fort leur rejet des masques pour lutter contre le Covid-19, d’autres opposés aux vaccins et d’autres encore, en treillis militaires, venus témoigner leur soutien au caporal Jürgen Conings. Ce dernier n’est autre que le militaire sniper de l’Armée belge, militant d’extrême-droite en fuite depuis plusieurs jours, après avoir proféré des menaces contre plusieurs personnalités dont le célèbre virologue flamand Marc Van Ranst.

Notre société va à vau-l’eau

Autant, on peut se réjouir que cette manifestation, non autorisée, se soit déroulée sans trop de fracas et bien encadrée par les forces de l’ordre, mais elle a de quoi inquiéter. En effet, cela signifie qu’au 21e siècle, des militants fascistes peuvent défiler en toute liberté dans les rues, foulant ainsi aux pieds la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour justement lutter contre cette idéologie nauséabonde qui rejette, avec violence, l’autre, parce qu’il est différent. Quel triste spectacle.

Celui-ci est d’autant plus affligeant qu’il rassemble, en l’espace de quelques heures et comme de vieux camarades, des militants fascistes, des anti-vaccins et des anti-masques dont certains (et plusieurs j’espère) ne partagent en rien l’idéologie fasciste. Que s’est-il donc passé pour que ces différents publics se retrouvent côte à côte ? Qu’y a-t-il de si fort à détester par des groupes d’individus, parfois diamétralement opposés sur le plan idéologique, pour que ceux-ci se retrouvent à battre le pavé ensemble ?

La gestion chaotique de la crise sanitaire, la communication infantilisante et les mesures prises sans aucun débat démocratique couplées à l’exaspération des citoyens a surement joué un rôle dans ce rapprochement de circonstances. Mais l’événement révèle, à mon sens, quelque chose de plus profond. A force de courir après l’accessoire, de donner davantage d’importance au superficiel, de privilégier de plus en plus la forme plutôt que le fond, de faire davantage de place aux discours simplistes et sans nuances, notre société va à vau-l’eau. Elle a perdu les valeurs de tolérance et de solidarité, elle a beaucoup plus cultivé le chacun pour soi plutôt que le vivre ensemble.

Or, c’est justement au nom de ces valeurs que nous sommes en train de perdre de vue qu’il faut accepter de se faire vacciner. Car la vaccination est le moyen le plus rapide pour espérer sortir de cette pandémie ou d’en atténuer fortement la propagation et de reprendre le cours normale de la vie. La vaccination est aujourd’hui un geste citoyen pour se protéger et pour protéger les autres. Le temps viendra de faire le bilan de la gestion de la crise et identifier ce qui n’a pas marché pour ne pas répéter les mêmes erreurs.