EDITO

Tennis : poursuivre la mobilisation sur tous les terrains en faveur de Peng Shuai

AFP

Après trois semaines de disparition des radars, la championne de tennis chinoise de 35 ans, Peng Shuai, a refait surface dimanche 21 novembre lors d’un tournoi de tennis à Pékin, les Fila Kids Junior Tennis Challenger Finals, selon des images officielles publiées sur divers comptes du réseau social chinois Weibo. Elle apparaît sur une vidéo tweetée par Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times, proche du pouvoir à Pékin. On la voit, debout, au milieu d’invités dont les noms sont déclinés au public qui applaudit. Une autre vidéo la montre signant des autographes. Sur une autre image, on la voit dînant avec son entraîneur et des amies dans un restaurant.

Ce sont les premières apparitions de la joueuse de tennis depuis début novembre. Elle n’avait plus donné signe de vie après avoir accusé Zhang Gaoli, puissant ex-responsable du Parti communiste chinois de 40 ans son aîné, de l’avoir obligée à des rapports sexuels pendant plusieurs années.

L’épisode de la disparition de la championne de tennis et ses accusations de viol contre un ancien vice-premier ministre de 75 ans, proche du président Xi Jinping, tombent à un mauvais moment pour la Chine et ses dirigeants.

Sa disparition a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part de différents joueurs et joueuses de tennis de renom (Serena Williams, Novak Djokovic, Naomi Osaka, Roger Federer, etc.). Dans le même temps, le hashtag « whereisPengShuai » (oùestPengShuai) se répandait comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. La mobilisation est devenue mondiale et a touché plusieurs milieux. L’ONU a demandé des preuves montrant qu’elle se porte bien et plusieurs pays dont la France et le Royaume-Uni ont fait part de leurs préoccupations. A environ trois mois des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin, la pression était forte sur les autorités chinoises face aux menaces de boycott de l’événement censé contribuer à (re)dorer l’image de Pékin après des accusations (de plus en plus vérifiées) contre la Chine d’être le foyer de la pandémie du Coronavirus.

L’épisode de la disparition de la championne de tennis et ses accusations de viol contre un ancien vice-premier ministre de 75 ans, proche du président Xi Jinping, tombent à un mauvais moment pour la Chine et ses dirigeants. Mais la mise au silence de Peng Shuai et sa disparition des radars risquent de créer davantage de dégâts. Les images de sa réapparition ne convainquent personne sur le fait qu’elles ont été orchestrées par le pouvoir en place pour faire taire les critiques. Les déclarations de la championne de tennis revenant sur ses accusations de viols ne trompent guère. Comment les autorités chinoises ont-elles pu penser qu’à l’ère où le monde est devenu global et où les technologies de l’information renseignent désormais sur tout ce qui se passe dans les coins reculés peuvent encore agir en toute impunité ? Surtout si leurs agissements touchent une figure connue du sport et qui a dénoncé des comportements graves de la part d’un haut responsable politique.

Si les autorités tentent aujourd’hui par tous les moyens d’éteindre la tempête des condamnations dont elles sont l’objet, c’est parce qu’il y a eu une grande mobilisation en faveur de Peng Shuai. Mais cet élan de solidarité et de refus de comportements indignes ne doit pas faiblir. Même si le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, a indiqué avoir discuté dimanche durant 30 minutes avec la championne de tennis en présence de la présidente de la Commission des athlètes Emma Terho, et la Chinoise Li Lingwei, membre du Comité olympique, il ne faut pas être dupe. Même si Peng Shuai a affirmé, lors de cet entretien, « être saine et sauve à son domicile à Pékin » et a demandé que « sa vie privée soit respectée », un doute justifié subsiste sur la liberté d’action et de mouvement de la championne de tennis. Comment peut-on être sûr et certain qu’elle est réellement libre de ses mouvements ? Quelles preuves dispose-t-on qu’elle ou sa famille ne font pas l’objet de discrètes pressions les obligeant à faire bonne figure ? On a vu les pratiques des autorités chinoises dans le dossier des Ouïghours où elles n’hésitent pas à incorporer dans des familles de la minorité musulmane des envoyés du pouvoir central chargés de les surveiller. Par ailleurs, qu’adviennent-ils des graves accusations de Peng Shuai contre Zhang Gaoli ?

Un geste est susceptible de dédouaner les autorités chinoises si elles veulent vraiment montrer leur bonne foi : laisser la championne de tennis (et sa famille) sortir librement du pays.

Un geste est susceptible de dédouaner les autorités chinoises si elles veulent vraiment montrer leur bonne foi : laisser la championne de tennis (et sa famille) sortir librement du pays et qu’elle puisse rencontrer et discuter en toute liberté avec ses pairs ou avec des responsables du CIO. Cet acte de bonne foi doit intervenir avant le début des JO de Pékin fixé au 4 février 2022. Il n’est point ici question de mélanger sport et politique comme tentent de le soutenir les autorités chinoises pour détourner l’attention et brouiller les pistes. S’il y a bien un pays qui utilise tout ce qu’il peut, y compris le sport, à des fins politiques afin de se donner bonne figure, c’est bien la Chine. D’ailleurs, tous les pays le font.

La mobilisation doit se poursuivre et devenir planétaire pour maintenir la pression sur les dirigeants chinois afin d’obtenir une vraie enquête indépendante sur les accusations de Peng Shuai contre Zhang Gaoli. Car des pays dirigés par un pouvoir central fort ou par une dictature se nourrissent du silence et de l’ombre et font généralement de ces deux éléments leurs premiers alliés pour sévir en toute impunité.