SECURITE

« Les réseaux sociaux ont favorisé la haine contre les policiers »


Ces dernières semaines, le pays doit faire face à une nouvelle vague de contestations syndicales. Celles-ci proviennent du monde des policiers. Ils protestent contre la révision de l’aménagement des fins de carrières et contre le blocage des négociations sur une revalorisation salariale. Nous sommes partis à la rencontre de membres d’une équipe d’intervention (BTI) au sein de la police de Bruxelles-Capitale Ixelles.

E.C. Il est question de supprimer le système de la non-activité préalable à la pension. Expliquez-nous de quoi il s’agit et en quoi il est crucial de la conserver pour les policiers ?

Nous exerçons un métier à risques et pénible. Auparavant, les plus anciens pouvaient obtenir des postes administratifs, mais à l’heure actuelle, il y a de plus en plus de personnel civil qui les occupe. Le policier se voit donc obligé d’effectuer des patrouilles dans la rue jusqu’à la fin de sa carrière. Le système de non-activité préalable à la pension est donc plus que crucial dans ce secteur. Il permet une anticipation à la retraite. Il faut légitiment se poser la question : Est-on encore capable à 65 ans de fournir un service de qualité comme il est attendu dans notre fonction.

E.C. Dans votre quotidien de policier de terrain, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et que la population ne perçoit pas toujours ?

Le non-respect de la fonction s’aggrave et est généralisé. Il y a quelques années, ce n’était le fait que d’une infime partie de la population ou des réactions ponctuelles. Désormais, les insultes et les jets de projectiles sont quasi quotidiens. Les réseaux sociaux ont sans aucun doute favorisé la haine contre la police. On peut remarquer qu’il y a une véritable diffusion et banalisation de celle-ci. Ils ont également provoqué quelque chose de nouveau. Nous sommes de plus en plus souvent filmés et ces séquences sont souvent sorties de leur contexte et utilisées contre nous dans la société.

Le non-respect de la fonction s’aggrave et est généralisé.

E.C. Les syndicats policiers contestent aussi le blocage des négociations sur une revalorisation salariale. Cela fait plus de 20 ans que les barèmes de la police n’ont pas été revus. Qu’est-ce qui bloque actuellement dans les négociations ?

Probablement un blocage des politiques. Nous ne comprenons pas toujours, car paradoxalement, d’autres services comme l’armée ont pu en bénéficier. Nous nous estimons parfois les parents pauvres dans la protection de la population. On pourrait parfois être amené à penser qu’il s’agit d’un affaiblissement du pouvoir de l’Etat.

E.C. Avez-vous vécu des difficultés ou des pressions pour aller manifester ?

Des pressions non mais d’une certaine manière, notre liberté de manifestation est entravée car nous sommes réquisitionnés pour assurer un minimum de service garanti, ce qui est normal et inhérent à la fonction. Contrairement à la STIB ou d’autres services, la police ne peut jamais s’arrêter totalement.

E.C. Il est également fait mention de coupure dans le budget de la police fédérale. Encore une fois, on voit que l’on coupe dans les services publics. Est-ce là l’effondrement des services publics en Belgique ?

Un effondrement, on ne sait pas. Mais pour notre service, on remarque très clairement qu’il y a un manque d’effectifs et de matériel comme de moyens. La priorité a été donnée récemment à de nouveaux uniformes, alors que nous sommes en manque criant d’effectifs à Bruxelles.

Nous ressentons parfois une méconnaissance du monde politique par rapport au quotidien des agents de terrain.

E.C. Ressentez-vous cela comme un manque de reconnaissance du monde politique à l’égard de votre travail ?

Nous ressentons parfois une méconnaissance du monde politique par rapport au quotidien des agents de terrain qui constituent, il ne faut pas l’oublier, la base essentielle au fonctionnement de la police. Il s’agit des contacts quotidiens avec la population,…

E.C. Comment voyez-vous l’avenir de la police ? Etes-vous optimiste ?

Oui nous restons optimistes. Cependant, nous sommes à un moment crucial où les politiques, on l’espère, vont devoir accéder à certaines demandes. Nous croyons toujours en notre métier, il faut garder espoir car nous sommes le pilier d’une certaine sérénité sociale. Une société sans la police ou avec une police défaillante se transforme vite en une anarchie. Heureusement, énormément de jeunes rejoignent la police avec leur optimisme, dynamisme de la fonction. Cette mixité dans la police est aussi ce qui fait sa force.

Entretien : Eugénie Cortus