ENERGIE

Nucléaire : manifestation en front commun des cadres de Doel et de Tihange à Bruxelles

Le mouvement citoyen 100TWh défend le mix énergétique combinant le nucléaire et le renouvelable. BELGA

Elle rassemblera des cadres des sites flamand et wallon ce mardi matin dans la capitale. Départ à 9h30 de la gare centrale. Sur base d’une analyse rigoureuse, la Confédération nationale des cadres (CNC) tire la sonnette d’alarme sur les risques de coupure d’électricité qui risque d’intervenir en cas de sortie du nucléaire. Ses représentants estiment que les chiffres d’Elia sont erronés et dénoncent le fait que le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension ait travaillé sur base d’hypothèses imposées par la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen !). La Confédération demande que le Fédéral applique la loi de 2003 en constatant des problèmes d’approvisionnement  afin de prolonger l’exploitation de 4 centrales nucléaires tout en construisant des centrales au gaz.

Théoriquement, c’est ce mardi 30 novembre qu’arrive l’échéance fixée par le Gouvernement fédéral à la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen !) pour présenter un rapport indiquant la marche à suivre pour une sortie totale ou partielle du nucléaire. Le moment est fatidique car de l’orientation que donnera ce rapport dépendra l’avenir énergétique de la Belgique et de ses citoyens. A mesure qu’on s’approche de cette échéance, deux clans s’affrontent intervenant avec des analyses diverses pour alimenter le débat : les partisans du renoncement total à l’atome et les partisans du maintien d’une capacité de production nucléaire suffisante pour éviter, disent ces derniers, à notre pays de connaître des lendemains difficiles en matière d’approvisionnement en énergie.

Manifestation à Bruxelles

En attendant, une manifestation en front commun est prévue ce mardi matin à Bruxelles. Elle rassemblera des cadres et non-cadres des sites de Doel (Flandre) et de Tihange (Wallonie) pour attirer l’attention sur ce qui se prépare en cas d’extinction définitive de l’atome comme prévu en 2025. Le départ est fixé à 9h30 à la gare centrale. « En ce qui nous concerne, nous considérons que le débat doit rester purement technique et que des postures idéologiques ne doivent pas y intervenir. Or, la ministre Van der Straeten et les Ecolos-Groen ! font ici preuve de dogmatisme et ignorent totalement les aspects techniques du dossier. Il faut le nucléaire et le CRM (mécanisme de subsidiation de création de nouvelles capacités de production d’énergie au départ de centrales à gaz, NDLR). C’est l’un et l’autre », nous a confié Philippe Hendrickx, cadre chez Engie-Electrabel et président de la fédération belge de l’énergie au sein de la Confédération nationale des cadres (CNC).

Hypothèses de travail imposées à Elia

Ingénieur industriel (énergie nucléaire), l’homme connaît bien la matière dans la mesure où il y travaille depuis plus 30 ans. Il est également secrétaire général de la FECER (Fédération européenne des cadres de l’énergie et de la recherche appliquée à l’énergie). Il est également membre du conseil d’entreprise européen. Ses différentes casquettes et ses compétences permettent donc à Philippe Hendrickx d’avoir un avis intéressant. La CNC dont il est vice-président a analysé les documents présentés par Elia pour éclairer le choix, posé début novembre, par la ministre Van der Straeten des projets de centrales au gaz pouvant bénéficier du CRM. Et pour la Confédération, les chiffres du gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension doivent être nuancés.

Elia a travaillé sur base d’hypothèses imposées par la ministre Van der Straeten, ce qui est interpellant.

D’après Elia, pour supporter un pic de consommation estimé à 13.767 mégawatts (MW) durant l’hiver 2025-2026, la Belgique n’aurait besoin que 4.559 MW de nouvelles capacités (soit le CRM). « Tout d’abord, il faut rappeler qu’Elia a travaillé sur base d’hypothèses imposées par la ministre Van der Straeten, ce qui est interpellant. De plus, les chiffres avancés surestiment volontairement les capacités d’importations venant de l’étranger en particulier venant de Grande-Bretagne et de France pour au moins 1.000 MW. En effet, actuellement, on ne peut pas dire que la Grande-Bretagne nous approvisionne en énergie, c’est plutôt le contraire.  Par ailleurs, les chiffres de production avancés par EDF ne sont jamais vérifiés en pratique, c’est largement surestimé », explique Philippe Hendrickx.

Manque d’au moins 4.000 MW dans la vision de la ministre Van der Straeten

La Confédération précise que dans le cadre des appels à projets pour bénéficier du CRM, les propriétaires de près de 3.800 MW n’ont pas remis offre parce qu’ils estiment que les conditions financières du CRM ne sont pas suffisantes pour assurer une rentabilité des projets. « Dans la présentation d’Elia, on considère pourtant que ces capacités seront disponibles à la pointe de l’hiver 2025-26 soit après la sortie totale du nucléaire. On voit mal comment ce sera possible », dénonce la CNC. Elle rappelle aussi qu’il faut tenir compte de la promotion des voitures électriques à l’horizon 2025 (obligatoire pour les véhicules de société) et de l’abandon des moyens de chauffage thermique (et leur remplacement par des pompes à chaleur), ce qui entraînera une augmentation de la consommation électrique.

Sur base de thèses idéologiques, ils alignent les planètes pour arriver à cette sortie du nucléaire en 2025, mais ce sera une catastrophe.

Sur base de ces éléments, la CNC assure malheureusement que la sécurité d’approvisionnement de la Belgique ne sera pas assurée comme le soutiennent la ministre Tinne Van der Straeten et les Verts. « Sur base de thèses idéologiques, ils alignent les planètes pour arriver à cette sortie du nucléaire en 2025, mais ce sera une catastrophe. Le Gouvernement fédéral doit impérativement appliquer la loi de sortie du nucléaire de 2003 en constatant que la sécurité d’approvisionnement n’est pas garantie. Il y aura donc un trou d’au moins 4.000 MW dans le calcul de la ministre Tinne Van der Straeten. Il faudrait donc prolonger 4 réacteurs (Doel 4, Tihange 3, etc.) et construire de nouvelles centrales au gaz », dit Philippe Hendrickx.

Plans sociaux en vue

Il remet aussi sur la table la question de l’emploi et regrette qu’elle ne semble pas préoccuper tellement les décideurs politiques. D’après lui, il y a 7.000 à 8.000 emplois directs et indirects qui sont menacés par la sortie du nucléaire telle qu’elle est programmée actuellement. « Les projets pour accompagner le démantèlement des centrales ne peuvent absorber que 25% des emplois directs (2.600 emplois) qui sont menacés chez Electrabel et Tractebel. On peut donc s’attendre à des plans sociaux », poursuit-il.

 

La prolongation de Doel 4 et Tihange 3 est possible

Quid de l’argument mis en avant sur le fait qu’il est trop tard pour décider de la prolongation des centrales nucléaires? « C’est un faux argument, car il faut préciser que cette prolongation n’est plus possible dans le cadre de la loi actuelle. On peut revoir la législation, car, pour Doel 4 et Tihange 3 par exemple, c’est une question de combustibles. Il suffit de les commander avant mai 2022 », conclut l’ingénieur industriel, spécialiste du nucléaire.

En sortant du nucléaire, la Belgique se fermerait aux enveloppes européennes.

Au niveau européen il semble que le gaz et le nucléaire devraient être repris dans une catégorie intermédiaire dans le cadre de la taxonomie de la Commission européenne, ce qui permettra aux projets de bénéficier de subsides européens. Par conséquent, en sortant du nucléaire, la Belgique se fermerait aux enveloppes européennes.