EDITO

Salman Rushdie poignardé : ne jamais baisser la garde face à l’obscurantisme

L'écrivain britannique Salman Rushdie est frappé par une fatwa qui date de février 1989. AFP

La violente agression au couteau de l’écrivain britannique, Sir Salman Rushdie (75 ans), dans l’Etat de New York, suscite de l’indignation, de la colère et de la révolte. A juste titre. Car, au-delà sa personne, c’est un des symboles de la liberté d’expression et de la liberté de création artistique qui est visé par une attaque lâche. Le violent acte, qui risque de laisser chez l’auteur des « Versets sataniques » de graves séquelles, démontre qu’il ne faut jamais baisser la garde face à l’obscurantisme et les bras armés des partisans d’une certaine conception de l’Islam. Car cela fait plus de 33 ans que l’ayatollah Rouhollah Khomeini, l’ancien guide spirituel de l’Iran, a décrété une « fatwa » contre le célèbre écrivain dont le seul crime commis aux yeux de l’ancien haut dignitaire religieux chiite est d’avoir écrit un livre jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet, du monde musulman et du Coran. C’était le 14 février 1989.

Les religions ne célèbrent-elles pas la vie ? Ne prônent-elles pas le pardon ? Ne demandent-elles pas de semer la paix là où il y a la haine?

Malgré la mort, le 3 juin 1989, de celui qui a condamné Sir Salman Rushdie à la peine capitale sans aucune forme de procès, ni de respect du droit de la défense, les dirigeants iraniens n’ont jamais formellement levé cette condamnation. Au contraire, ils l’ont confirmée au fil des années, donnant ainsi un blanc-seing à tout illuminé de porter atteinte à la vie de l’écrivain. Toutes les religions se valent et méritent le respect, mais on ne peut décemment accepter, au 21ème siècle, qu’une religion réclame la tête d’un individu sous prétexte que son prophète ou que son dieu a été moqué ou tourné en dérision. Les religions ne célèbrent-elles pas la vie ? Ne prônent-elles le pardon ? Ne demandent-elles pas de semer la paix là où il y a la haine ou encore d’apporter la lumière là où règne l’obscurité ? L’auteur présumé de l’agression est âgé de 24 ans, ce qui veut dire qu’il n’était même pas né quand la « fatwa », demandant d’éliminer physiquement l’auteur des « Versets sataniques », fut décrétée. Quel triste messager.

Tous les défenseurs de la liberté d’expression doivent être vent debout contre des préceptes d’un autre temps, fussent-ils religieux, qui viennent imposer aux citoyens du monde de continuer à vivre selon des règles surannées. Oui, ils sont dépassés et il vaut mieux les cantonner aux débats sur la vie du passé plutôt que d’essayer de les faire vivre au fil des années. Ils ne peuvent, en aucun cas, garantir aux humains un espace de vie apaisé. La preuve par l’agression de vendredi dans l’Etat de New York contre Salman Rushdie.

Les défenseurs de la liberté d’expression doivent être vent debout contre des préceptes d’un autre temps, fussent-ils religieux, qui viennent imposer aux citoyens du monde de continuer à vivre selon des règles surannées.

Par ailleurs, il est révoltant de voir un homme, défenseur de la liberté d’expression et de la liberté de création, être obligé de vivre dans la clandestinité ou de bénéficier d’une protection rapprochée, ce qui est une atteinte grave à sa liberté de mouvement, bref à sa liberté tout court.

Il est temps pour les partisans des lignes rigoristes des religions, quelles qu’elles soient, d’accepter une remise en question de leurs enseignements afin de libérer l’individu au lieu de l’enfermer. Ainsi, ils permettront à l’homme ou à la femme de développer tout son potentiel et de construire un monde meilleur.