BARRER LA ROUTE DE LA MAISON BLANCHE A DONALD TRUMP

Condamnation de Donald Trump pour viol aux Etats-Unis : et après ?

Cette combinaison d'images créée le 09 mai 2023 montre l'écrivain E. Jean Carroll à la Cour fédérale de Manhattan à New York le 25 avril 2023 et l'ancien président américain Donald Trump à la Cour pénale de Manhattan à New York le 4 avril 2023. AFP

Un tribunal civil de New York a condamné, mardi 9 mai, l’ancien Président américain Donald Trump à payer 5 millions de dollars de dommages et intérêts à l’ex-journaliste, E. Jean Caroll, une femme qu’il est accusé d’avoir agressée sexuellement. Il est donc reconnu coupable de cette agression. L’affaire remonte à 1996, où elle aurait été victime de gestes malveillants de la part de Donald Trump dans une cabine d’essayage d’un grand magasin. Mais cet épisode ne devrait rien changer à la course à la présidence du magnat de l’immobilier pour la Maison Blanche en 2024. Car tout ce qui tombe sur lui le renforce quelque part. Rien à ce jour n’a dissuadé les soutiens de la première heure de la vieille et profonde Amérique de changer de cavalier pour diriger le pays.

Est-ce que cette affaire signifie le début de la fin ou seulement la fin du début de l’ère Donald Trump aux Etats-Unis ? A part la dégradation, une fois encore, de l’image de l’ancien Président, il ne risque, à ce stade, pas grand-chose. Ce ne sont pas ses électeurs fans absolus qui lui en tiendront rigueur, pas plus que les casseroles précédentes le concernant. Chez l’électorat éternel de Trump, on dépasse l’image, et on crie vite au complot.

Cette affaire aura été orchestrée, instrumentalisée par les Démocrates, par l’establishment, et tous ceux qui veulent la peau de Trump. En réalité, tout ce qui tombe sur lui le renforce quelque part. Rien à ce jour n’a dissuadé les soutiens de la première heure de la vieille et profonde Amérique de changer de cavalier pour diriger le pays. Certes, Trump a laissé des plumes, ses candidats aussi lors des dernières mid-terms, mais on voit bien qu’il est toujours aussi populaire chez les plus excités des conservateurs. C’est sa force : tel un clou qui résiste aux coups de marteau sans plier.

Vulgarité, grossièreté et radicalité, trio gagnant pour Trump

Plus de deux ans après avoir quitté la Maison Blanche et poussé par les évènements du Capitole, l’ancien président américain avait déjà été inculpé en mars dernier. Cette inculpation comme la récente condamnation ne sont pas des freins dans son appétit d’ogre de retrouver le bureau ovale. Et rien ne l’empêchera, s’il le désire et s’il a toujours suffisamment le soutien de la base des Républicains, de se représenter. Voire d’être élu. Rien ne l’en empêche dans la Constitution américaine en tout cas.

Son image, il s’en fiche car il a construit sa réputation là-dessus : vulgarité, grossièreté, radicalité. Ce trio le résumant le rend humain, sincère et surtout « américain » comme ceux qui le soutiendront jusqu’au bout résument l’américanité profonde.

A un peu plus d’un an des élections, la justice s’agite autour de Trump. Mais cela fait des années que la justice américaine cherche des poux dans la tête de l’ancien Président. Quid de l’affaire de l’achat du silence d’une femme actrice de porno par l’ancien Président, pour lequel il est inculpé, et qui pourrait être le début timide de la part de la justice américaine d’une longue série de procès à venir pour lui ?

L’ancienne journaliste américaine E. Jean Carroll quitte la Cour fédérale de Manhattan à New York le 9 mai 2023. AFP

L’ancienne journaliste américaine E. Jean Carroll quitte la Cour fédérale de Manhattan à New York le 9 mai 2023. (AFP)

Inculpé au pénal

Le 30 mars dernier, le 45ème Président des Etats-Unis était pour la première fois de l’histoire inculpé au pénal dans le cadre du dossier de l’ancienne star des films X, Stormy Daniels. C’est un grand jury, constitué d’un panel de citoyens travaillant avec les procureurs, qui recevait Donald Trump, le mardi 4 avril dernier, à Manhattan pour lui signifier les raisons de cette mise en examen. On sait désormais ce qui lui est reproché : 34 chefs d’accusation concernant des fraudes comptables pour des versements destinés à étouffer trois affaires gênantes avant l’élection présidentielle de 2016.

Depuis des années, Stormy Daniels[1], défraie régulièrement la chronique dans les tabloïds, pour avoir reçu de la part de Trump de l’argent (130.000 dollars) en échange de son silence en 2016, après une petite incartade conjugale avec le milliardaire. La tempétueuse  femme revendiquait une relation consentie, ce qu’a toujours démenti l’ancien Président. Le paiement s’était fait par l’intermédiaire de son avocat, lui-même inculpé l’année dernière de détournement de fonds. Aujourd’hui, il est condamné pour un viol et paiera le prix pour cela : de l’argent.

D’autres inculpations en vue ?

Ces deux affaires, finalement marginales, comparées aux autres affaires illégales dont est suspecté Trump, pourraient amorcer la pompe des inculpations. La justice est aussi sur le coup pour des affaires bien plus importantes de détournement suspecté, de fraude fiscale, la possession de documents confidentiels dans sa résidence de Mar-a-Lago, la destruction de certains autres, et pour sa responsabilité dans la tentative de coup d’Etat suite aux évènements du capitole en janvier 2020.

Pourtant, jusque-là, même si cela fait beaucoup pour un seul homme, Trump était passé entre toutes les gouttes. Mais même condamné pour l’ensemble, il pourrait devenir à nouveau Président s’il bat Ron de Santis à la primaire des Républicains et Joe Biden, candidat déclaré récemment, à l’élection.

L'ancienne star des films, Stormy Daniels à qui Donald Trump aurait versé 130.000 dollars pour acheter son silence, ce qui lui vaut aujourd'hui une inculpation au pénal. AFP

L’ancienne star des films, Stormy Daniels à qui Donald Trump aurait versé 130.000 dollars pour acheter son silence, ce qui lui vaut aujourd’hui une inculpation au pénal. (AFP)

Beaucoup espèrent encore que l’on tourne enfin la page de l’ère Trump outre-Atlantique, mais c’est loin d’être gagné. En 2016, d’ailleurs, il avait été élu seul contre tous. Il pourrait l’être à nouveau avec cette fois le dispositif judiciaire contre lui également. C’est dans cette position qu’il est le plus fort et efficace. Résumons : aucune inculpation, ni condamnation ne pourront empêcher Trump de se présenter ; sa base restera persuadée que tout est fait pour bloquer définitivement le retour de ce dernier ; l’ensemble des prétendants au bal des Républicains a été lié, à un moment ou à un autre, au milliardaire (dans de potentielles affaires que l’on pourrait découvrir un jour). Le seul gagnant de toute cette affaire sera sûrement Joe Biden qui se relance dans la course. Mais résistera-t-il à l’éternel ouragan trumpiste cette fois-ci ?

S. B.

[1] Stéphanie Clifford de son vrai nom