La Pologne reprend des couleurs européennes après la victoire de l’opposition aux législatives
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Ce dimanche 15 octobre, la Pologne était au centre des attentions des observateurs de l’Union Européenne. En effet, sa population était appelée à voter pour les nouveaux parlementaires et sénateurs ainsi qu’à répondre aux 4 questions du référendum. Un taux record de 74,38% de participation a été enregistré, soit même plus que les premières élections partiellement libres de 1989, après la chute du communisme. Les premiers résultats de sortie d’urne à la fermeture des bureaux à 21 heures dimanche indiquaient que le parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski au pouvoir depuis huit ans, avait la première place des votes mais que la coalition notamment dirigée par l’ex-président du Conseil Européen Donald Tusk avec des partis de gauche et de centre, souhaitant faire barrage à l’extrême droite, a finalement remporté une majorité de sièges au Parlement et au Sénat, avec plus de 53% des voix, mettant ainsi le PiS à la porte. Par ailleurs, le référendum national est « non-contraignant » à cause de son faible taux de mobilisation.
20h dimanche dernier, la Pologne a retenu son souffle pour un moment historique. Les premiers sondages de l’élection législative, qui concerne les parlementaires et les sénateurs, montrent que le parti nationaliste, ultraconservateur, eurosceptique et catholique Droit et Justice (PiS), dirigé par Jaroslaw Kaczynski est en pole position des sorties d’urnes. Au fur et à mesure du dépouillement et malgré une possible coalition avec le parti d’extrême-droite Confédération, il devient clair que les nationalistes devront sortir de l’exécutif qu’ils contrôlent depuis 2015 car leur nombre de sièges ne permet aucune majorité parlementaire, avec seulement 212 sièges sur 460 (42,54% des voix, dont 35,38% pour le PiS). « Nous devons garder espoir et savoir qu’indépendamment du fait que nous soyons au pouvoir ou dans l’opposition, nous allons continuer à réaliser notre projet par différents moyens. (…) Nous ferons tout pour que notre programme, malgré cette coalition qui est contre nous, soit réalisé. Il y a devant nous des combats et des tensions », a déclaré dimanche Jaroslaw Kaczynski, président du PiS.
Nous devons garder espoir et savoir qu’indépendamment du fait que nous soyons au pouvoir ou dans l’opposition, nous allons continuer à réaliser notre projet par différents moyens.
Victoire nette de l’opposition
« Je suis en politique depuis longtemps, mais je n’ai jamais été aussi heureux. C’est la fin de ces temps sinistres, nous écartons le PiS du pouvoir ! Ce jour restera dans l’histoire polonaise (…) comme le renouveau de notre République », s’exclame Donald Tusk, l’opposant leader, ancien Président du Conseil européen et ancien premier ministre polonais, d’ailleurs pressenti pour un nouveau mandat.
Tusk fait partie de la Coalition Civile (KO), avec notamment les partis Parti Civique, Moderne, Initiative Polonaise ou les Verts. Un barrage de partis de gauche et de centre anti-PiS s’est créé grâce à la coalition des deux autres alliances Troisième Voie (TD) et Nouvelle Gauche (NL). La coopération s’est avérée fructueuse, car l’opposition sera désormais au pouvoir, avec 53,71% des voix, les 3 alliances possèderont donc les 248 sièges parlementaires restants.
À noter aussi qu’en 2020, l’alliance Coalition Civile avait perdu de peu aux élections présidentielles avec Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie, face à Andrzej Duda, qui était déjà président depuis 2015, représentant les conservateurs du PiS. Au Sénat, 34 sièges appartiendront au parti conservateur de Kaczynski et 66 à l’opposition de la triple alliance, ce dernier possédant déjà une majorité lors de l’élection précédente de 2019.
Je suis en politique depuis longtemps, mais je n’ai jamais été aussi heureux. C’est la fin de ces temps sinistres, nous écartons le PiS du pouvoir ! Ce jour restera dans l’histoire polonaise.
Démonstration de force gagnante
Il y a deux semaines, l’opposition était descendue en masse dans les rues de Varsovie, pour la « Marche des millions de cœur » qui est plus que probablement la plus grande manifestation de l’histoire de la Pologne, pour montrer son mécontentement contre le gouvernement d’extrême-droite polonais, au pouvoir depuis 8 ans et qui a « exaspéré » une partie de la population, majoritairement jeune.
Car les statistiques des estimations d’IPSOS sont claires : 63% des 18-29 ans ont voté pour la nouvelle coalition, car elle compte entamer un virage à 180 degrés, sur les droits à l’avortement et des homosexuels par exemple, restreints depuis 2015, ainsi que sur l’État de droit et sa séparation des pouvoirs, dont son absence pose question en Europe.
Ce changement de politique est bénéfique pour la Pologne, car de nombreux citoyens et observateurs craignaient que la démocratie disparaisse à petit feu dans le pays, en commençant par les libertés, déjà restreintes depuis huit ans. En trois ans, la population est déjà descendue plusieurs fois dans les rues, contre la quasi-totale interdiction d’avortement (« Strajk Kobiet ») ou encore la « Lex Tusk », qui est une Commission d’État pour l’examen de l’ingérence russe dans la sécurité intérieure de la Pologne de 2007 à 2022, un organe ayant le pouvoir d’exclure des individus de la fonction publique.
La formation du nouveau gouvernement pourrait durer jusqu’à deux mois, mais le parti conservateur pourrait garder le contrôle sur des institutions publiques.
Échec cuisant du référendum
Enfin, les Polonais ont aussi été appelés dimanche à répondre à quatre questions du référendum qui concernent « la vente des actifs de l’État à des entités étrangères », « le relèvement de l’âge de la retraite », « la suppression de la barrière à la frontière polono-biélorusse (faisant référence à la crise toujours actuelle des migrants à la frontière) », « l’admission des milliers d’immigrés illégaux en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique ». Tous les participants ont majoritairement (95-98%) répondu « contre » à ces quatre questions.
Seulement, le taux de participation officiel est de 40,91%, et donc en deçà du barème de 50%, ce qui signifie que ce résultat n’est aucunement contraignant pour l’exécutif.
Th. L.