EDITO : ATTENTAT DE BRUXELLES DEMISSION

Attentat terroriste à Bruxelles : les deux morts que l’on aurait pu éviter

Le ministre démissionnaire de la Justice, Vincent Van Quickenborne/Open VLD (à gauche au micro annonçant sa démission aux côtés du Procureur général de Bruxelles, Johan Delmulle. , BELGA

Le ministre de la Justice, Vincent van Quickenborne (Open VLD), a donc remis sa démission, vendredi soir, au terme d’une journée que l’on imagine très tendue. Endossant la responsabilité des actes d’un magistrat qui a commis « une faute individuelle, monumentale et inacceptable, aux conséquences dramatiques », le vice-Premier ministre donne une leçon de courage politique. C’est rare en Belgique. Mais force est de constater que la gestion du dossier d’Abdesalem Laoussed, auteur de l’attentat de lundi 16 octobre à Bruxelles, a été entachée d’erreurs. Si chacun avait fait son travail, il n’y aurait pas eu d’attentat dans la capitale européenne lundi soir et deux hommes seraient toujours en vie.

On savait déjà que le traitement du cas de Laoussed avait été entaché d’erreurs: non prise en compte des informations transmises par l’Italie en 2016 (et qui le signalaient comme « radicalisé, dangereux et susceptible de rejoindre une zone de djihad) ; non-exécution, en 2021, de l’Ordre de Quitter le Territoire (OQT) sous prétexte qu’il était « introuvable », alors qu’il habitait, en fait, avec sa femme (qui était en situation régulière) et sa fille scolarisée et que tous les commerçants de son quartier le connaissaient…

Mais on a appris ce vendredi matin que la Tunisie avait transmis, le 15 août 2022, une demande d’extradition à la Belgique. Or, cette demande d’extradition, transmise au parquet n’a jamais été traitée : aucune suite ne lui a été donnée et elle s’est perdue dans les méandres du palais de Justice…

Force est de constater que la Belgique persévère dans l’erreur, détenant un triste record dans le domaine des fautes commises par son appareil judiciaire au sens large.

Il s’agit bien, d’une erreur individuelle, comme l’a souligné Vincent Van Quickenborne : 31 demandes d’extraditions ont été transmises, en 2022, au magistrat « compétent ». Trente d’entre elles ont été correctement traitées. Mais pas la trente-et-unième, celle qui concernait Laoussed.

« Errare humanum est », affirme un adage latin attribué au philosophe Sénèque, « sed perseverare diabolicum » (mais persévérer est diabolique). Et force est de constater que la Belgique persévère dans l’erreur, détenant un triste record dans le domaine des fautes commises par son appareil judiciaire au sens large (police et justice confondues). Cela avait déjà été établi il y a … vingt-sept ans, au moment de l’affaire Dutroux qui était un formidable condensé de mauvaises décisions et de laisser-aller. A tel point qu’on parlait, à l’époque, « d’estompement de la norme ». On espérait que les choses avaient été corrigées et que des procédures de contrôle efficaces avaient été mises en place. Ce n’est manifestement pas le cas.

Ceci dit, saluons le courage politique de Vincent van Quickenborne qui a pris, rapidement, la seule décision possible. Il est trop rare, dans ce pays, que les « chefs » prennent les responsabilités qui vont de pair avec leur position. On se souviendra à cet égard du triste spectacle donné en juin dernier lors de la tragi-comédie qui avait suivi la délivrance d’un visa au bourreau de Téhéran… On peut craindre malheureusement que ce courage ne soit pas partagé par tous.

Ce « concours de circonstances », plutôt une erreur, aux conséquences dramatiques ne va certainement pas redorer l’image de la Belgique à l’international.

Le procureur général de Bruxelles, Johan Delmulle, semble bien décidé, lui, à rester rivé à son siège. Pourtant sa responsabilité – il est l’homme qui doit gérer et contrôler le travail des parquetiers – est infiniment plus engagée que celle de son ministre qui, lui, ne peut s’intéresser aux « détails » de chaque dossier passant par son cabinet.

Vendredi, Monsieur Delmulle se contentait d’évoquer « un regrettable concours de circonstances ». Un euphémisme : lundi soir, à Bruxelles, deux hommes sont morts et un troisième a été grièvement blessé parce que les autorités belges sont incapables de faire correctement leur travail. Ce « concours de circonstances », plutôt une erreur, aux conséquences dramatiques ne va certainement pas redorer l’image de la Belgique à l’international.

Hugues Krasner