Nikol Pachinian, premier ministre arménien, partisan d’un accord de paix avec l’Azerbaïdjan
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Alors que tous les projecteurs sont braqués sur la guerre entre Israël et le Hamas depuis trois semaines, le Caucase-Sud a effectué des avancées significatives depuis plusieurs jours pour la normalisation tant attendue des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C’est une zone tampon instable et qui retrouve le chemin du pacifisme au plus vite et de la normalisation des relations entre les deux pays qui se sont fait la guerre depuis presque trois décennies.
Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, l’a lui-même annoncé jeudi 26 octobre à Tbilissi en Géorgie: il est confiant de pouvoir signer un accord final de paix avec l’Azerbaïdjan dans les mois à venir. Il l’a dit après une rencontre des ministres des Affaires étrangères de la région à Téhéran il y a quelques jours ; le dit-régime iranien qui cherche à reprendre la main sur le dossier, alors que l’Iran est, avec la Russie, l’allié historique d’Erevan. Le pays a aussi compris qu’il valait mieux que la question soit réglée régionalement plutôt que d’avoir à nouveau une intervention diplomatique des Occidentaux.
Souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabakh
Cette déclaration intervient à la suite d’une rencontre entre les protagonistes un mois après la victoire de Bakou sur les séparatistes, et le départ de dizaines de milliers d’Arméniens du territoire redevenu azéri. Cette déclaration intervient aussi six mois après que le dirigeant arménien Nikol Pachinian ait reconnu que le Karabakh était bien azerbaïdjanais.
C’est sur cette base là que les parties semblent disposer à inscrire leur relation dans une nouvelle dynamique. Une relation politique qui sera aussi largement économique et qui permettra à l’ensemble de la région de commercer, de garantir la mobilité et la sécurité et de redevenir attractive.
Après 27 ans d’occupation, Bakou avait récupéré une partie du Haut-Karabakh en menant une guerre éclaire en 2020. Mais pendant ces derniers mois, les tensions s’étaient accrues entre l’Azerbaïdjan et les séparatistes qui restaient à défendre le reliquat de terre où vivaient encore nombre d’Arméniens.
Transport d’armes
La Russie, qui avait été à la manœuvre dans la signature de la déclaration tripartite entre Arméniens et Azéris devait assurer la sécurité et le passage des biens depuis l’Arménie vers l’enclave. Mais il devait y avoir un contrôle strict des marchandises qui circulaient et en aucun cas des armes.
Or, nombre d’armes ont circulé pour alimenter Khankendi (ce que les séparatistes appelaient Stepanakert). La démilitarisation du Karabakh était une condition sine qua non du respect du texte. Or, la frontière était régulièrement visée. En représailles, l’armée azerbaïdjanaise avait commencé à filtrer les convois dans le corridor de Latchine, afin que ne passent plus que des produits humanitaires et non des armes.
Face à l’opération anti-terroriste menée par Bakou, les séparatistes ont rapidement rendu les armes et sont retournés en Arménie, laissant là les civils pris entre deux feux. Pourtant, le projet de Bakou, contrairement à ce que beaucoup cherchent à dire, était d’octroyer un statut spécial pour les Arméniens du Karabakh, non pas de les chasser. Mais incités par les forces pro-arméniennes à quitter le territoire, ils ont fui en grande partie.
Depuis des décennies, le territoire du Nakhitchevan, d’où est originaire la famille dirigeante azerbaïdjanaise Aliyev, est isolé du reste du monde et difficilement accessible pour les Azéris, si ce n’est par la voie des airs. La région, à la frontière arménienne et iranienne, a subi un retard de développement que Bakou veut désormais combler. C’est pour cela, qu’elle cherchait à négocier depuis des mois avec les Arméniens, l’ouverture du couloir de Zengazur, afin d’utiliser les territoires iraniens pour se connecter avec le Nakhitchevan.
Une demande qui figurait déjà dans la proposition de paix qu’avait formulé initialement l’Azerbaïdjan et proposé à l’Arménie il y a trois ans. C’est quasiment chose faite désormais puisque Pachinian vient de reconnaitre le couloir comme un « carrefour de paix ».
Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), du CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm)