Conflit israélo-palestinien : Israël poursuivi par l’Afrique du Sud devant la CIJ pour génocide
Plus de trois mois après l’attaque du Hamas contre Israël et le déclenchement de représailles sans précédent de la part de l’Etat hébreu, l’Afrique du Sud a accusé, jeudi 11 janvier, devant la Cour Internationale de Justice, Tel-Aviv de génocide commis à l’encontre des Palestiniens. Plus de 20 000 Palestiniens (selon les chiffres du Hamas) sont morts à Gaza sous le coup des bombardements israéliens depuis le début de l’offensive et parmi eux une majorité de femmes et d’enfants donc de civils.
Alors qu’Israël justifie ses bombardements incessants, malgré quelques trêves pour la libération de quelques dizaines d’otages israéliens contre plusieurs centaines de prisonniers palestiniens, l’opinion internationale s’émeut depuis plusieurs semaines pour ce qu’elle considère comme une riposte totalement démesurée et faisant plus de morts côté civils que du côté des cadres du Hamas, censés être la cible prioritaire de l’armée israélienne. Mais le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ne veut rien entendre, pas plus des chancelleries européennes que de l’administration US de Joe Biden. Celles-ci lui reconnaissent certes le droit à se défendre, mais pas à massacrer comme c’est le cas depuis près de trois mois dans ce territoire asphyxié cette population gazaouie, otage du Hamas depuis plus de quinze ans.
Convention des Nations Unies sur le génocide
Depuis des années, Israël n’a cure de la CIJ basée à la Haye aux Pays-Bas, puisqu’à l’instar des Etats-Unis, elle n’est pas signataire de ses conventions. Mais Afrique du Sud et Israël sont tous deux signataires de la Convention des Nations Unies sur le génocide, créée en 1948. C’est pour cela que l’Afrique du Sud peut poursuivre un autre pays signataire comme elle le fait aujourd’hui, notamment sur l’interprétation ou l’application du terme de génocide.
Les avocats sud-africains cherchent avant tout à faire stopper les pluies de missiles israéliens sur les civils gazaouis, mais savent que la qualification potentielle de génocide prendra des années. Pourtant, pour les avocats, Israël cherche bien à éradiquer les Palestiniens de Gaza. Si la portée de leur action est donc avant tout symbolique, ce n’est pas comme une action en référé qui permettrait de contraindre l’Etat hébreu à stopper du jour au lendemain ses bombardements. Mais il y a une ligne rouge qui n’aurait pas dû être franchie dans la riposte israélienne.
Le désastre de Gaza
Depuis le 7 octobre, quand bien même il y a eu l’attaque condamnable au plus haut point du Hamas, le ministre sud-africain de la Justice a déclaré, lors du premier jour de l’audience, que « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre a franchi cette ligne et a donné lieu à des violations de la convention », a-t-il ajouté, devant la Cour internationale de Justice (CIJ).
Morts par milliers, pénuries de médicaments et de vivre, famine, maladies : les Gazaouis sont confrontés à des conditions de vie désastreuses et rien ne semble pouvoir arrêter ce cycle infernal enclenché depuis trois mois. Les négociations pour un cessez-le-feu sont en berne, car Israël veut réduire à néant le Hamas avant toute reprise des pourparlers, quitte à mettre encore plus en danger, comme il le fait, la vie de ses propres otages.
A ce jour, personne ne semble d’un point de vue politique capable de freiner Benjamin Netanyahou. Parmi tous les pays de l’UE, l’Allemagne, prise au piège de l’histoire, a même été dernièrement critiquée dans le magazine flamand Knack par la ministre de la Coopération au Développement, Caroline Gennez (Vooruit), pour qui, il est difficile de comprendre que l’Allemagne « se laisse autant manipuler par le gouvernement israélien ». Tout en ajoutant : « C’est une question cruciale pour nos amis allemands : allez-vous vraiment vous trouver deux fois du mauvais côté » de l’histoire ? ».
Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS, associé au CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm).