L'OPPOSITION DIVISEE SUR SA PARTICIPATION AU SCRUTIN PRESIDENTIEL EN ALGERIE

En Algérie, le président Tebboune en route pour un deuxième mandat

Candidat à sa réélection, le président algérien sortant, Abdelmadjid Tebboune tente de séduire la jeunesse pour la motiver à aller voter. AFP

Sans surprise, le président sortant Abdelmadjid Tebboune a annoncé, le 11 juillet 2024, sa candidature à l’élection présidentielle anticipée du 7 septembre. Il a choisi de le faire au lendemain de la visite tant appréhendée qu’il avait effectuée dans le département de Tizi Ouzou, en Kabylie, où la population boycotte massivement toute élection depuis plus de cinq ans, et où le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), interdit par les autorités, s’était mobilisé pour perturber ce déplacement du chef de l’Etat, plusieurs fois annoncé et reporté. Une partie de l’opposition a accepté de participer à l’élection présidentielle, alors que d’autres s’y refusent en qualifiant le scrutin de « mascarade électorale ».

La presse locale qualifie l’événement de « pari réussi ». Mais, pour le chef de file du mouvement séparatiste kabyle, Ferhat Mehenni, en exil en France, la visite d’Abdelmadjid Tebboune en Kabylie ressemble à « un acte de provocation ». Dans une déclaration diffusée le jour même, soit le 11 juillet, il accuse les autorités algériennes d’avoir mobilisé des citoyens « hors de la Kabylie » pour organiser un accueil digne du chef de l’Etat à Tizi Ouzou.

L’opposition participe au scrutin présidentiel de septembre

Par ailleurs, le pouvoir en place peut déjà se targuer d’avoir convaincu certaines figures de l’opposition de prendre part à ce scrutin, à l’heure où la société algérienne semble être déconnectée de la vie politique, et qu’elle est démotivée par le verrouillage des champs politique et médiatique. « J’ai consulté aujourd’hui Facebook, je n’ai trouvé aucun commentaire sur l’annonce de la candidature de Tebboune : est-ce un signe d’indifférence ou de peur ? », s’interroge l’universitaire Mohamed Hennad.

Très sceptique au départ, une partie de l’opposition a fini par opter pour la participation. Première à avoir annoncé sa candidature, Zoubida Assoul, à la tête de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), petit parti sans troupes, elle est connue pour avoir été à l’avant-garde de la contestation contre le cinquième mandat de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika. Elle est convaincue que la politique de la chaise vide ne sert, au final, que les intérêts du pouvoir. Même motivation exprimée par Louiza Hanoune, présidente du Parti des travailleurs (PT, extrême-gauche), plusieurs fois candidate aux présidentielles et emprisonnée en 2019, avant d’annoncer son retrait, le 13 juillet, en dénonçant des « conditions injustes » et un « cadre législatif antidémocratique ». La grande curiosité de cette élection reste la participation annoncée de Youssef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), parti fondé en 1963 et fortement implanté en Kabylie, mais opposé aux thèses autonomistes.

Mascarade électorale

Dans le camp de l’opposition, une dizaine d’activistes, dont d’anciens chefs de partis et des prisonniers politiques, ont signé une déclaration rendue publique le 20 juillet, pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « mascarade électorale ». Les signataires accusent le pouvoir d’avoir « anéanti les abécédaires de la politique, fermé l’espace public, confisqué les libertés fondamentales, individuelles et collectives, et, plus grave encore, légalisé la répression et les arrestations politiques. Il a avorté l’émergence d’une société civile indépendante et banni les différents contre-pouvoirs, qu’il s’agisse de partis, de syndicats véritables ou de médias libres tout en bloquant les mécanismes de contrôle et d’accountability (responsabilité, ndlr) ».

Quels sont les enjeux politiques de cette élection ? Si le scrutin s’annonce d’ores et déjà comme un nouveau plébiscite du président sortant, comme dans toutes les élections algériennes, tous les autres candidats, islamistes compris, justifient leur participation par le devoir de contribuer au « renforcement du front interne », pour faire face aux « périls externes » qui guettent le pays. Les tensions qui perdurent dans les pays voisins (Libye, Mali…), suscitent, en effet, des inquiétudes grandissantes en Algérie. Alger accuse également Abu Dhabi d’alimenter ce climat de tension. Le président Tebboune, dans sa dernière conférence de presse, a évoqué l’existence d’une cinquième colonne « mobilisée par des parties étrangères participe de cette même entreprise, plusieurs pays souhaitant l’instabilité de l’Algérie, car sa stabilité est synonyme de puissance dans plusieurs domaines ».

Sur le plan interne, le candidat à sa propre réélection est tenu de maintenir une paix sociale fragilisée par la persistance de l’inflation et la hausse du chômage. Durant cette période de précampagne, le gouvernement a multiplié les opérations de charme en direction de la jeunesse. Deux grands stades, l’un à Alger et l’autre à Tizi Ouzou, ont été inaugurés en moins d’une semaine par le chef de l’Etat en personne. Cela suffira-t-il pour convaincre cette jeunesse d’aller voter en masse le 7 septembre prochain ?

A. Madi (à Alger)