RESULTATS DE LA PRESIDENTIELLE EN ALGERIE

Présidentielle en Algérie : une victoire du président sortant Tebboune et des questions

Une Algérienne montre son doigt et sa carte tachés d'encre après avoir voté dans un bureau de vote lors de l'élection présidentielle, à Alger, le 7 septembre 2024. AFP

Au terme d’une campagne électorale plutôt morne et largement boudée par les Algériens, le président sortant, Abdelmadjid Tebboune (78 ans), a, sans surprise, été réélu avec score soviétique de 94.65%, selon les résultats officiels annoncés ce dimanche 8 septembre à 17h30 par le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi.  Le taux de participation est inférieur à 50% traduisant une méfiance des Algériens vis-à-vis du scrutin présidentiel dont les résultats offrent un deuxième bail au président sortant. Les trois candidats qui ont participé aux élections dont le vainqueur ont dénoncé dimanche soir les contradictions dans la communication des résultats par l’ANIE.

Acquise depuis le départ, cette écrasante victoire du président sortant Abdelmadjid Tebboune, face à deux prétendants sans envergure, cache toutefois mal un désaveu populaire qui était déjà dans l’air, et qui s’est exprimé lors de ce scrutin par un faible taux de participation (48%), selon les résultats officiels. Or, de nombreux observateurs estiment ce chiffre assez gonflé, eu égard aux scènes filmées dans la journée, montrant des bureaux de vote souvent vides. D’aucuns ne s’expliquent pas que samedi 7 septembre à 13h, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) annonce un taux avoisinant les 13%, et qu’à 20h, ce taux grimpe miraculeusement jusqu’à plus de 48% (48,03%). Selon les chiffres officiels, 5,63 millions d’Algériens ont voté et 5,32 millions d’entre eux ont apporté leur voix au président sortant Tebboune. Or, il y a un total de 24 millions de votants. Par conséquent, le taux de participation est plutôt d’environ 23%…

Coup de théâtre, dimanche soir, qui promet des rebondissements dans les prochaines heures. Dans un communiqué signé conjointement par les directeurs de compagnes des trois candidats, dont le vainqueur Abdelmadjid Tebboune, et écrit en arabe, ces derniers dénoncent « l’ambiguïté et les contradictions qui ont caractérisé l’annonce des résultats préliminaires par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) ». Les signataires estiment ainsi que les chiffres présentés par le président de l’ANIE ne correspondaient pas à ceux contenus dans les PV remis par les différentes commissions électorales locales.

Accusations de fraudes et de pressions

La direction de campagne de l’islamiste Abdelaali Hassani a accusé, dans une déclaration rendue publique dimanche, l’ANIE d’avoir « fait pression sur certains encadreurs des bureaux de voter en vue de gonfler les résultats ». L’instance officielle n’a pas encore réagi à ces graves accusations. Le candidat du Mouvement de la société pour la paix (MSP) a recueilli 3,17%.

Assumer la réalité des taux de participation, même s’ils sont bas, serait un bon début pour le rétablissement de la crédibilité des institutions.

Militant des droits de l’homme exilé en Belgique, Said Salhi, dénonce « une mascarade électorale ». Pour lui, ce résultat a été le fruit d’une manipulation de la part de la « boîte noire » du régime. « Assumer la réalité des taux de participation, même s’ils sont bas, serait un bon début pour le rétablissement de la crédibilité des institutions », a réagi à chaud l’ex-président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas.

Misant tout sur la participation, perçue comme le principal enjeu de cette élection, le pouvoir et les partis qui le soutenaient doivent revoir toute leur stratégie politique. L’échec est encore plus retentissant en Kabylie, où la participation d’un parti, le Front des forces socialistes (FFS), localement bien implanté mais dont le candidat, Youssef Aouchiche n’a récolté que 2,16% aux élections du 7 septembre. Il n’a donc pas réussi à rompre l’isolement entretenu par l’activisme du mouvement séparatiste (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, MAK).

AFP

Une photo diffusée sur la page Facebook de la présidence algérienne montre le président sortant Abdelmadjid Tebboune quittant un bureau de vote après avoir voté à Alger le 7 septembre 2024. (Photo par ALGERIAN PRESIDENCY FACEBOOK PAGE / AFP).

Le sens d’un désaveu

Vu sous un autre angle, ce désaveu populaire est aussi un signe de désapprobation de la gestion des affaires du pays par un pouvoir qui, nonobstant quelques avancées sur le plan macroéconomique, n’a pas réussi à faire baisser l’inflation et le chômage, ni à faire démarrer l’économie. La large diffusion, à la veille de cette élection, de nouvelles images de migrants clandestins algériens empruntant des embarcations de fortune en direction des côtes espagnoles, attestent de cet état d’esprit dans lequel se trouvent un grand nombre de jeunes algériens. Plus de 500 jeunes ont, selon des statistiques espagnoles, accosté en Espagne, durant la première semaine du mois de septembre.

A cela s’ajoute le bilan plutôt alarmant du pouvoir en matière du respect des libertés publiques, avec les restrictions imposées à la liberté d’expression et d’organisation, et la mise à pas de la presse.

Départ difficile, donc, pour Abdelmadjid Tebboune. Tous les regards sont désormais braqués sur ce que va annoncer le président réélu comme décisions ou mesures fortes, à la mesure des enjeux colossaux auxquels l’Algérie est confrontée. Ainsi, le président élu pourrait, comme première étape, nommer un nouveau gouvernement. Des sources évoquent d’ores et déjà l’idée d’un renforcement de l’actuelle coalition gouvernementale par d’autres formations politiques qui ont eu une part active dans la campagne électorale, à l’image du mouvement Al-Binaa d’Abdelkader Bengrina, ou celles qui ont affiché leur disponibilité, même tacitement, pour intégrer le prochain gouvernement telles que le FFS, qui attend un retour d’ascenseur après sa participation à l’élection du 7 septembre.

M. Adam (à Alger)