CINQ MOIS SANS GOUVERNEMENT FEDERAL APRES LES ELECTIONS DU 9 JUIN 2024

Négociations fédérales : Vooruit fait dérailler (provisoirement ?) la formation du Gouvernement Arizona

Le formateur Bart De Wever (à gauche sur la photo) a remis sa démission au roi Philippe (à droite) qui a tenu celle-ci en suspens jusqu'au 12 novembre 2024. BELGA

Le formateur Bart De Wever a remis sa démission au roi Philippe ce lundi 4 novembre 2024 constatant ainsi l’échec de sa mission de négociations avec les autres présidents de partis pour former la future majorité gouvernementale fédérale. Le chef de l’Etat tient sa réponse en suspend et lui a donné un délai supplémentaire de quelques jours pour convaincre les futurs partenaires. Sa prochaine visite chez le Roi est fixée au 12 novembre. Au-delà du comportement du parti socialiste flamand (Vooruit) qui s’oppose avec intransigeance aux propositions du formateur, la méthode de Bart formateur De Wever interpelle. Des observateurs lui reprochent l’absence d’une méthode de travail, des notes fastidieuses et incompréhensibles et fustigent des pièges à toutes les lignes. Des sources proches des négociateurs observent que des documents arrivent souvent à la dernière minute et des sorties de certains négociateurs adjoints qui torpillent les efforts des uns et des autres. La future majorité Arizona regroupant 5 partis est menacé (MR, Les Engagés, N-VA, CD&V, Vooruit). Le président Des Engagés, Maxime Prévot fustige l’attitude irresponsable de Vooruit. De son côté, le président du MR, Georges-Louis Bouchez accuse le président des socialistes flamands, Conner Rousseau, d’avoir « trompé son monde ».

Second échec de Bart De Wever en vue de la formation d’un Gouvernement fédéral, cette fois il est recalé par les socialistes flamands (Vooruit), pour un manque de transparence dans l’évaluation chiffrée de son programme économique. Le formateur a remis sa donc remis sa démission au roi Philippe qui ne l’a pas acceptée tout de suite, accordant encore quelques jours supplémentaires à Bart De Wever pour convaincre ses partenaires de négociations. Le prochain rendez-vous chez le chef de l’Etat est fixé au 12 novembre.

Colère du président des Engagés

La décision du formateur est une conséquence de l’intransigeance de Vooruit dont le président estime que la note de Bart De Wever et ses amendements n’étaient pas suffisantes pour emporter son adhésion, car pour lui, les grandes fortunes ne contribuent pas assez à l’effort fiscal.

Il est irresponsable et regrettable, au vu des enjeux et des urgences, d’avoir campé sur ces exigences préalables plutôt que d’entrer en discussion avec les autres présidents de parti.

Dans les rangs des autres partis la déception se mêle à la colère, car 5 mois après les élections fédérales, la Belgique n’a toujours pas de Gouvernement fédéral et l’heure presse pour remettre un budget à l’Europe. « Vooruit a systématiquement exigé de régler le cadre budgétaire avant d’entamer les négociations sur les notes thématiques. Mais dans le même temps, il exigeait que le cadre budgétaire soit conforme à ses attentes avant d’en discuter plus en avant. Il est irresponsable et regrettable, au vu des enjeux et des urgences, d’avoir campé sur ces exigences préalables plutôt que d’entrer en discussion avec les autres présidents de parti pour que, grâce à ces négociations précisément, il soit possible de rectifier les tableaux et de les ajuster conformément aux aspirations de chacun. Quand on veut gagner un match et porter ses valeurs, on commence par monter sur le terrain ; pas par exiger deux goals d’avance… », a fustigé Maxime Prévot, le président des Engagés. Il avait officié comme médiateur à la demande du roi Philippe lorsque Bart De Wever avait démissionné le 2 août 2024 à cause du MR.

Maxime Prévot fustige l’attitude du président des socialistes flamands, Conner Rousseau qui a mis « terme brutal à des mois de travail intense alors que, au-delà des éléments de mécontentement qui subsistaient pour Les Engagés aussi, de nombreux textes ont pu être débattus, mais hélas guère être négociés en raison du refus de Vooruit de réunir le groupe central des présidents pour opérer ces arbitrages ».

bePress Photo Agency / BOURGUET

Président Des Engagés, Maxime Prévot fustige l’attitude irresponsable de son homologue de Vooruit. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa).

Les velléités nationalistes toujours d’actualité

Le son de cloche n’est pas différent du côté du MR. « Le président de Vooruit a trompé son monde. Pendant 5 mois, il nous a fait croire qu’il pouvait entrer dans cette formule de gouvernement pour finalement refuser de négocier. Tout le monde est en droit de refuser des mesures. Mais refuser d’aller négocier, c’est refuser de prendre ses responsabilités. C’est de la désertion », a renchéri le président des Libéraux francophones, Georges-Louis Bouchez sur le plateau de la RTBF.

La méthode de négociation du formateur est épinglée par des observateurs. Formateur ou Informateur, De Wever n’aurait pas du tout mis de côté ses vieilles revendications nationalistes, et une des multiples raisons de son échec réside bien dans la mauvaise préparation des dossiers mis sur la table. L’arrogance de ses adjoints, notamment Wouter Raskin, Theo Francken ou surtout Bert Wollants, leur assurance de devenir des futurs califes les auraient fait déraper dans le contenu de certaines notes.

Pendant 5 mois, il nous a fait croire qu’il pouvait entrer dans cette formule de gouvernement pour finalement refuser de négocier.

Les mandataires fédéraux de la N-VA sont obsédés par trois dossiers qui curieusement ont tous un lien commun avec les transports : la Mer du Nord, les ports d’Anvers-Zeebruges et l’aéroport fédéral de Bruxelles-National, dont le nom dans toutes les notes des nationalistes flamands devient Brussels Airport-Zaventem. Leur obsession est telle qu’ils veulent régionaliser toutes les compétences en matière de Mobilité, y compris le code de la route et le transport routier, et surtout démanteler le SPF Mobilité et Transport (administration fédérale) qui serait intégré curieusement dans celui de l’Economie.

bePress Photo Agency / BOURGUET

Georges-Louis Bouchez, président du MR accuse son homologue de Vooruit d’avoir trompé ses partenaires de négociations. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa).

Survoler le Palais royal et envoyer plus d’avions sur Bruxelles

Prenons le cas du dossier aérien et des survols autour de Bruxelles, la note N-VA est la copie conforme des revendications des comités flamingants Actie Noordrand et Leuven Rechtdoor, qui ne se cachent pas d’avoir des sympathies pour la N-VA ou pour le Bourgmestre de Grimbergen, l’ex-député Vlaams Belang Bart Laeremans qui a été reconduit à la tête d’une liste (faussement ?) d’intérêt général.

L’idée fixe de Wollants en vue de favoriser le Noordrand (Meise, Grimbergen et Wemmel) est de faire décoller des avions tout droit au-dessus du Domaine Royal de Laeken, lequel est pourtant interdit de tout survol depuis 1954. Dans la première version de la note d’août 2024, cette volonté est sournoisement retranscrite comme « permettre des décollages au-dessus du Parc de Laeken », histoire de cacher la vérité.

Les 4 autres partis pressentis pour former une éventuelle coalition aient tous opposé une fin de non-recevoir sur cette volonté cachée de survoler le Roi et en entraînant ainsi une fin totale du survol de Meise, Grimbergen et Wemmel. Mais le point relatif au survol du Parc de Laeken est maintenu dans la seconde version de la note défendue par Wollants, alors que tout le monde s’y oppose.

Régionalisation à tous les étages

La note ignore les décisions de justice, méprise les lois et la réglementation actuelle, et ose prétendre que la répartition actuelle des survols ne serait ni équilibrée, ni équitable, et que donc Bruxelles et ses communes ne seraient pas assez survolées. Pour la N-VA, il faut donc envoyer davantage d’avions vers Bruxelles et, surtout, aussi Waterloo et les vilaines 4 communes périphériques de Rhode Saint-Genèse, Linkebeek, Crainhem et Wezembeek-Oppem en utilisant encore plus la fameuse piste d’atterrissage 01.

BELGA

Le président de Vooruit, Conner Rousseau, est accusé d’avoir trompé son monde et d’avoir adopté une attitude irresponsable en mettant en échec les négociations fédérales. (BELGA PHOTO DIRK WAEM).

Mais curieusement pas une phrase, pas un paragraphe sur l’entreprise publique autonome chargée du contrôle aérien, Skeyes, ni sur les compagnies aériennes. L’acharnement anti-bruxellois et anti-francophone de la N-VA et de Wollants dans ce dossier est vraiment pénible.

Et c’est ainsi dans tous les autres dossiers, que ce soit pour les investissements du rail, la régionalisation partielle du rail belge (SNCB) avec la liberté octroyée aux Régions de créer leurs propres lignes de chemin de fer, le contrôle technique des véhicules, etc.

Mais aujourd’hui, c’est Vooruit qui a décroché la carte du valet noir au risque de se faire éjecter de la majorité comme l’a laissé entendre Georges-Louis Bouchez, le président du MR…

Ph. Law. (avec A. F.)