EDITO

Energie : la sobriété, le voile du sacrifice sur l’inaction politique et le manque d’anticipation

Que faire pour réduire davantage la facture des ménages devant la hausse des prix de l'énergie? D.R.

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a annoncé samedi 27 août son intention de convoquer un comité de concertation dédié à la crise énergétique qui frappe la Belgique, à l’instar d’autres pays européens. Cela fait des semaines que les ménages belges attendent une prise de position forte ou des mesures – de la part des autorités politiques – susceptibles de les aider à faire face à la facture d’énergie qui ne cesse d’augmenter. Les décisions prises, il y a quelques mois, par le Gouvernement fédéral, notamment la baisse de la TVA de 21% à 6% sur l’électricité et le gaz, la « prime chauffage », l’extension du tarif social à davantage de bénéficiaires, ou encore la baisse des accises sur le carburant sont insuffisantes. Car la hausse des tarifs d’énergies et la flambée du prix des carburants sont telles que ces mesures n’ont eu que très peu d’impact sur le pouvoir d’achat des ménages belges.

La Belgique semble traîner les pieds pendant que d’autres pays européens (France, Espagne, Portugal, etc.) passaient à la vitesse supérieure pour venir en aide à leurs citoyens étranglés par les factures d’énergie. La lenteur des autorités fédérales à remettre le cœur à l’ouvrage sur le dossier indique qu’elles n’ont pas encore suffisamment pris la mesure des difficultés auxquelles sont confrontés les ménages belges. Le mécontentement a atteint son plus haut niveau, même s’il est encore contenu jusqu’à présent, la classe moyenne est en train de disparaître et la précarité rattrape nombre de citoyens qui étaient jusqu’à présent, juste au-dessus de la ligne de flottaison. Des drames sont à craindre si rien n’est fait. L’heure n’est plus aux intentions, il faut des actions rapides, ciblées et susceptibles de donner rapidement des résultats pour les ménages, tant l’heure est grave. Des entreprises sont également confrontées à de sérieuses difficultés à cause de la flambée des prix de l’énergie et des pertes d’emplois ne sont pas à exclure.

S’arc-bouter sur la décision de sortie du nucléaire serait faire preuve d’un dogmatisme qui fait fi de la souffrance des ménages et des difficultés qui obscurcissent l’horizon de plusieurs entreprises.

Les décisions prises par le passé, notamment la prise de contrôle totale d’Electrabel par le français Suez en 2005, font qu’aujourd’hui la Belgique n’a pratiquement aucune prise sur sa politique énergétique.

Face au défi climatique, tout le monde mise sur la transition énergétique, mais la Belgique fait fausse route en ne jurant que par les énergies renouvelables au détriment de l’énergie nucléaire qu’elle veut abandonner. D’autres pays ont suivi la même démarche, notamment l’Allemagne qui, aujourd’hui, se résout à prendre des décisions aussi incohérentes que préjudiciables à la protection de l’environnement comme la relance des centrales à charbon. Désormais, elle concède à ne plus renoncer totalement au nucléaire civil comme source de production de l’électricité. La France et les Pays-Bas aussi relancent le recours à l’atome et le président de l’Hexagone, Emmanuel Macron, mise désormais sur le nucléaire du futur. La guerre en Ukraine et l’attitude de la Russie ont rappelé aux pays européens qu’ils auraient dû se soucier davantage de l’indépendance énergétique du vieux continent.

En Belgique, il est non seulement temps que les responsables politiques prennent la question de la facture énergétique des ménages en main, mais il faut aussi se rendre à l’évidence qu’on ne peut pas se contenter seulement de relancer deux réacteurs nucléaires pour espérer garantir l’approvisionnement énergétique du pays. On ne peut pas appliquer cette décision d’abandon du nucléaire, prise en 1999, et la mettre en œuvre en 2022 (en mettant à l’arrêt Doel 3 en octobre prochain et Tihange 2 en février 2023) comme si de rien n’était. S’arc-bouter sur cette décision de sortie du nucléaire serait faire preuve d’un dogmatisme qui fait fi de la souffrance des ménages et des difficultés qui obscurcissent l’horizon de plusieurs entreprises. Ça reviendrait aussi à s’asseoir sur la question de la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays et condamner nombre de citoyens à vivre des hivers difficiles. Le Premier ministre, Alexander De Croo, a rappelé, lundi 22 août, cette dernière menace qui n’est plus hypothétique si on renonçait au nucléaire. Il a aussi invité les Belges à faire preuve de sobriété, mais la sobriété énergétique n’est, in fine, qu’un voile pour masquer l’inaction et le manque d’anticipation des responsables politiques face au défi énergétique et climatique.

La sobriété énergétique n’est, in fine, qu’un voile pour masquer l’inaction et le manque d’anticipation des responsables politiques face au défi énergétique et climatique.

La sonnette d’alarme a été tirée depuis longtemps, mais nombre d’entre eux ont fait la sourde oreille ou n’ont pas voulu voir. La Belgique n’est pas la seule dans le cas, ni la seule contrée à plaider pour la sobriété énergétique. Mais aujourd’hui, cette politique de l’autruche n’est plus possible, car il y a urgence. Il faut, certes, développer les renouvelables, construire autrement les nouvelles habitations et réaliser des travaux d’isolation dans les anciennes, promouvoir l’utilisation rationnelle de l’énergie. Mais le nucléaire doit faire partie de la solution du futur.