GUERRE EN UKRAINE

Biélorussie : la peine de mort pour actes terroristes impacte de facto la guerre en Ukraine


Ce mercredi 18 mai, Alexandre Loukachenko a validé un décret concernant l’introduction de la peine de mort dans son pays pour les actes terroristes ou leur préparation pourraient être sanctionnés par la peine de mort. un durcissement qui vise « directement l’opposition » d’après Svetlana Tikhanovskaïa, sa cheffe exilée. Les États-Unis ont aussi vivement condamné cette décision, estimant qu’elle risque de « frapper les militants prodémocratie et ceux qui s’opposent à la guerre menée par la Russie en Ukraine ». La Biélorussie, ex-république soviétique alliée de Poutine, est le dernier pays d’Europe à encore appliquer la peine de mort. Le pays, où les procès se font sans preuves, procède à de multiples exécutions sommaires chaque année dans le déni des droits de la défense.

Arrestations et peines de prison arbitraires

Depuis le vaste mouvement de contestation lors de la présidentielle de 2020 contre la réélection de A. Loukachenko – au pouvoir depuis 1994 – de nombreux opposants ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines.
Taxés d’extrémisme, les ONG et les médias indépendants ont par ailleurs été bannis. Un nouveau procès de douze militants de l’opposition s’est ouvert mercredi 18 mai, dans la ville de Grodno et leur dirigeant présumé, Nikolaï Avtoukhovitch, est notamment accusé d’ « acte de terrorisme et de préparation d’un acte de terrorisme en bande organisée », selon l’ONG de défense des droits humains Viasna, dont plusieurs membres et son chef sont également en prison.

Peine de mort renforcée

Poursuivant sa répression,  Alexandre Loukachenko a autorisé par décrêt la possibilité de la peine de mort pour une « tentative d’acte de terrorisme ». Jusqu’à présent seuls ceux qui avaient commis un tel acte étaient passibles d’exécution. Les nouvelles dispositions devraient rentrer en vigueur dans une dizaine de jours. En mars 2021, l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa, figure de proue du mouvement pour avoir dénoncé un scrutin truqué, a été contrainte à l’exil, le parquet biélorusse ayant annoncé qu’elle faisait l’objet d’une enquête pour « préparation d’acte de terrorisme en bande organisée ».
Elle est donc également concernée. Celle-ci a réagi sur Twitter en soulignant que l’élargissement des crimes passibles de la peine capitale comme une « menace directe visant les opposants au régime d’Alexandre Loukachenko et ceux qui s’opposent à l’offensive en Ukraine de la Russie, qui a utilisé le territoire de la Biélorussie pour une partie de ses assauts ».

 Des procès opaques et des exécutions

En Biélorussie, la peine de mort s’applique en silence et sans aucune explication procédurale ni droits de la défense. Elle est fixée par un juge et deux jurés et doit être confirmée par la Cour suprême du pays et par le président avant d’être exécutée. Les sentences de mort pour faits de terrorisme, entre autres, tombent avec peu ou pas d’explication.

Le message envoyé aux familles est laconique : « Nous vous informons que le jugement de la Cour suprême de la République de Biélorussie du xxx concernant votre fils xxx a été mis en application. Le certificat de décès pourra être retiré à l’administration de la ville de  xxx ». Le condamné est, quant à lui, fusil d’une balle tirée dans la nuque. Plus violent encore, c’est parfois lorsque les proches viennent rendre visite au détenu qu’ils découvrent qu’il est parti conformément à sa condamnation.

Copyright : Amnesty International

 « Ces mesures sont celles d’un dirigeant autoritaire qui s’accroche au pouvoir par la peur et l’intimidation », a réagi, de son côté, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dans un communiqué, accusant le président bélarusse Alexandre Loukachenko de continuer sa répression. Il estime également  que cela risque de « frapper les militants prodémocratie et ceux qui s’opposent à la guerre menée par la Russie en Ukraine » et appelé une fois de plus à « la libération sans conditions de tous les prisonniers politiques ».

 Un conflit en Ukraine qui « traîne en longueur »

Début mai, l’agence de presse américaine, Associated Press a obtenu un entretien exclusif avec le dirigeant bélarusse. L’occasion lui a été donnée de s’exprimer sur la guerre en Ukraine qu’il qualifie lui aussi d’« opération spéciale » et non de guerre. Même si Alexandre Loukachenko semble émettre des réserves sur le déroulement des actions, selon lui, l’Ukraine « provoquait la Russie ».
Et de rajouter : « Pour être honnête, je ne pensais pas que cette opération s’éterniserait de la sorte. Mais je ne suis pas assez immergé dans ce problème pour dire si cela se passe comme prévu, comme le disent les Russes, ou comme je le ressens moi ». « Je veux souligner une fois de plus que j’ai l’impression que cette opération a traîné en longueur », a-t-il ajouté, sans préciser toutefois ce qu’il sous-entendait.